Présentation de Kari

M’appelle Dean, Dean John. Mais les copains, ils m’appellent Dean la Sinoque. George, il dit que c’est à cause que je suis tombé dans la Grand’Foreuse. J’ai du pot de pouvoir encore parler qu’ils disent les copains. Dean la Sinoque qu’ils m’appellent, et une de mes chances, tiens, c’est d’avoir des copains.
Mon boulot à moi, c’est de racler les mines à la surface de Kari. Zinc, tungstène, titane… Tout ça, c’est moi qui le rapporte aux chantiers. Ca fait quinze ans que je suis arrivé par cargo et que j’y travaille. Ou peut-être que c’était mon père. J’sais pas. George dit que c’est "pri-mor-diale" ce qu’on fait. Que toute l’industrie du système dépend de ça, et que même si c’est dur de vivre ici, il faut le faire. On est important qu’il dit, surtout avec ce qui arrive. On fait vivre tout le système, qu'il parait. Moi, ça me déplaît pas d'être utile. C’est sûr que c’est pas une planète facile, Kari, mais faut pas y croire ce qu'ils disent, les autres mineurs ! Les factions qui se foutent dessus, pas mal de morts et le temps sec : on s’y fait, comme tout. C'est pas si mal. Pis les nénettes sont gentilles et pas chère. Et à la Mission, ils nous donnent de la soupe tout les dimanches. Le prêtre, il dit qu’on est exploité. J’sais pas pourquoi, parce qu’après chaque journée, George il nous donne deux fois dix sous, à manger et pour moi, même un lit dans l’usine. Je crois qu’il m’aime bien, George. Comme les flicards quand ils descendent dans les rues : ils nous abîment pas trop si t’es mineur. « Faut rester productif ! » qu’ils disent en rigolant. Ils sont sympa les flics. Comme les copains.





« Les corporations ont commencés la colonisation de Kari en 137 CST. Les analyses de la lithosphère révélaient depuis plusieurs années que l’exploitation de cette planète serait un point clef pour l’épanouissement industriel thénan: Kari devint alors le principal exportateur en matière première du système, et toute macro-entreprise digne de ce nom détenait une part conséquente de son marché. Ainsi, très rapidement, l’économie fut dépendante de ce nouveau nœud où fructifiait énormément d’argent par les investissements. Tous prirent alors conscience qu’il était impératif de maintenir un niveau qualitatif et quantitatif élevé dans l’extraction : l’inverse aurait probablement explosé une partie du capital, ce qui, par réaction en chaîne, aurait pu mettre à mal le système Thénan. Il fallait donc du matériel de pointe, de nombreux puits de forages, et surtout, une main d’œuvre abondante. Aujourd’hui, on estime la population de Kari à plus d’un milliard d’individus. Près de 70% des ces ouvriers ont pour origine généalogique la "Vague". Ce phénomène social poussa entre 138 et 150 CST près de 580 millions d’individus à prendre les cargos pour Kari : l’idée reposait sur un habile jeu de propagande des corporations, qui, misant sur l’extrême pauvreté de certains milieux, pousseraient les habitants à émigrer, attirés par la fièvre de la richesse. Aujourd’hui, ces populations vivent dans des taudis aménagés, des bidonvilles, des cités troglodytes aux multiples étages érigées dans les cratères des mines épuisées où les mineurs s’y acharnent pour des misères sur du matériel dangereux et or d’âge, dans des conditions insalubres et que d’aucun qualifierait d’esclavagistes. Mais plus pauvre encore qu’à leurs arrivées, ceux-ci ne peuvent se payer le départ vers une autre des planètes. Leur salaire ne parvient qu’avec peine à subvenir à leur moyen. Pour le reste du système thénan, officiellement, il ne se passe rien qui enfreigne les lois fondamentales de l’Homme sur Kari, et pour sûr : en venir à reconsidérer les conditions dans lesquels est extrait le minerai si vital à l’industrie, ça serait revenir à reconsidérer le prix du produit final. Et ça, même les mouvements populaires ne pourraient se le permettre.
Favorisés par la misère ambiante et l’inactivité des polices locales (mercenaires engagés par les corporations pour défendre leurs intérêts) centralisées autour des puits de forages et des convois, des réseaux de drogues, de contrebandes et de prostitutions fleurissent à la surface, à tel point que certains se demandent si les Corporations ne détiennent pas une part de ce marché clandestin. […] Seul le trafic d’arme semble inquiéter les investisseurs, et finalement, il est plus facile de se trouver deux livres d’héroïnes modifiée qu’un Dai Lung 15 customisé. Dans ce climat tendu, où le vie y est dicté par des factions incontrôlées, la tonne de minerais vaut bien la vie de 500 mineurs. »

Chapitre 27, La Géopolitique thénan, Arthur L., 758 CST

Kari est la seconde lune d'Hyrrokkin, avec Tarqeq comme voisine. Cette relative proximité des deux pôles (l'un de l'extraction et l'autre de l'industrie) permet d'optimiser les échanges et de faire fructifier l'économie. Autant sa lune voisine fut agréable à vivre avant sa pollution, autant Kari reste une planète naturellement inhospitalière : sèche, voir aride, la vie à sa surface n'est possible qu'autour des larges étendues d'eaux. Celles-ci, trop petites pour être décemment nommé "océans", ne recouvrent qu'un cinquième de la surface, ce qui assure à Kari d'être une planète principalement terrestre. L'exploitation minière se fait majoritairement autour de ces petites mers intérieurs qui en parsèment la surface, et va en s'élargissant avec le temps. Le problème de l'approvisionnement en eau des points d'extraction commence à s'imposer dans l'esprit des entrepreneurs, intéressés des richesses des grandes étendues brûlantes, mais trop coûteuse à exploiter de façon robotisée. La pesanteur, légèrement plus dense que sur les autres planètes colonisées, participe à rendre la vie sur Kari plus désagréable encore, traduit par les chiffres du tourisme : 0,048% du PIB

Les deux principales mines, situés chacune à l'un des pôles, sont les mines de Cullinan et de Finsch, toujours en activité du fait de la richesse de leur site. Ordinairement, lorsqu'un nouveau chantier de forage est inauguré, celui-ci détient une espérance de vie de 20 à 30 ans, autour duquel se développe une petite citée, rapidement désertée à la fermeture de la mine. Un bon quart de la surface de Kari foisonne donc de petites villes fantômes, mais pas oubliées de tous. Abritant malfrats, contrebandiers et criminels désireux de se cacher, il arrive parfois que quarante ans plus tard, une ville abandonnée retrouve une seconde vie, voir même une seconde économie.



À l'origine de la cité, il existait le premier site de forage. Nombre de corporations, dont certaines sont encore présentes aujourd'hui, se disputaient les part d'une mine/citée abritant plus de 400 millions d'âme (aujourd'hui, après l'exode des mineurs, il n'en reste que 120 millions). La veine de minerais, titanesque, occupa les mineurs pendant près de cent vingt longues années. Pendant cette période, la croissance de la citée fut tellement importante que lors de la fermeture officielle de la mine, il resta La Mine, la plus grande citée de Kari, construite circulairement autour d'une large entaille stérile. Avec le temps, elle fut dotée d'une périphérie spécialisée dans le raffinage (bien que 60% du minerais soit encore exporté brut sur Tarqeq), d'un large réseau routier reliant les plus grand site d'extraction actuels et à venir et du seul spatioport suffisamment important pour gérer le flux perpétuel de cargos. Il s'agit aujourd'hui d'une ville sale, laide, mais d'une optimisation importante. Les bâtiments industriels côtoient les larges avenues de camions lourds (près de 400 tonnes l'unité), des bidonvilles amoncelés anarchiquement et des quartiers hautes surveillances de la haute.