Plongée en eaux profondes

Bien que n'ayant jamais été attiré par les armes, Karl regrettait amèrement d'avoir rendu le puissant M-35 au commissaire. Le poids excessif mais rassurant du pistolet lourd lui manquait.

Le quartier qu'il traversait portait bien son nom: la Zone était sans conteste le secteur le plus glauque des bas-fonds d'Halia, écrasé entre une zone industrielle et le spatioport. Il marchait depuis un bon quart d'heure sur l'avenue qui constituait l'artère principale de la zone: une vaste rue grisâtre, coincée entre de gigantesques bâtiments de pierre et d'acier taché par la pollution, perçés de ruelles sombres, et éclairé ponctuellement par les néons de quelques boutiques louches et bar mal famé. La nuit et une pluie légère donnait une aura particulière aux lieux, peu rassurante. Malgré les intempérie, un grand nombre de silhouettes s'agitait encore dans des tâches plus ou moins louche, alors que la soirée était déjà bien avancé.

Une arme d'autodéfense lui suffirait en cas de pépin, lui avait dit Derrick. La vue d'un petit groupe de truand armé d'arme de guerre lui fit sérieusement regretté de l'avoir cru, et le petit C-14 planqué dans sa poche commençait à prendre des allures de pistolet à eau. Il fouilla dans sa poche, et en ressortit un bout de papier, sur lequel était griffonné l'adresse d'un débit de boisson plus ou moins légal. Il la compara le premier numéro d'immeuble qu'il vit: il n'était plus très loin, mais résistait à l'envie d'accélérer le pas.

La lumière des vastes néons bleuté du Quasar était légèrement tamisé par la pluie qui tombait de plus en plus drue. Coincé entre deux immeubles d'"habitation", la façade du bar ne se distinguait que par l'immense enseigne lumineuse. Pas de fenêtre, pas de foule, juste une porte, et un vigile aux muscles saillant, qui arrêta le timonier d'un geste lorsque celui-ci s'approcha.

C'est un club privé vieux... T'es membre?

Non, mais je dois voir un vieil ami.

C'est qui ce type?

Erich. Répondit avec assurance Karl, en priant intérieurement pour que le mot de passe fournit par la police soit encore d'actualité.

La brute fit un pas de côté, et lui ouvrit la porte:

Et t'avise pas de faire le con. Lança t'il, pendant que Karl entrait.

La lumière tamisé et la musique donnait une atmosphère étrange au bar. Il fut soulagé de voir que sa combinaison de pilote ne fasse pas tache. Visiblement, le Quasar était le repère de toute sorte de contrebandiers et pilotes louches, pour le plus grand plaisir des quelques danseuses qui se tortillait aux quatre coins de la salle.

Il se fraya un chemin et prit place au comptoir, à côté d'un vieux mercenaire à l'armure criblé d'impacts. Le barman, qui n'avait rien à envier à son vigile, s'approcha de Karl:

Qu'est-ce que j'vous sert? Fit-il d'un air renfrogné.

Un double Tennessee. Et quelques tuyaux.

C'est toi l'pote d'Edward? Répondit le barman avec méfiance, en attrapant d'une main l'une des bouteilles de whisky, et un verre.

Karl porta le verre à ses lèvres, et but une gorgée.

Non, d'Erich. Corrigea t'il en reposant son verre.

Le barman s'accouda face à Riekann, qui remarqua alors le rasoir stylisé tatoué sur son épaule. Il semblait s'être détendu, et posa en signe de détente et dans l'indifférence générale son arme sur le comptoir: un fusil à canon scié. Se détendant, le pilote présenta à son tour son modeste C-14, avant de le remettre en poche, une fois la carabine retournée sous le comptoir.

Le rasoir sanglant sortit un paquet de cigarette, et en proposa une à Riekann, qui refusa. Il grilla la clope, et commença après avoir soufflé un petit nuage de fumée:

Qu'est-ce que je peux pour toi mon gars?

J'recherche un gars. Un mercenaire qui traîne pas mal dans le coin...

"Un mercenaire ? Y'en a des tas dans l'coin... Il a un nom, vot' mercenaire ?" demanda le barman.
"Skroup.
- Il vous attendait. Suivez-moi."

Le barman conduisit Riekann jusqu'à un petit salon privé, où un homme était assis, sirotant un verre de whisky. Un lourd pistolet était posé sur la table basse, à côté du verre. L'homme se leva, hocha rapidement la tête en direction du barman, puis tendit la main à Riekann.

"Je m'appelle Angus Skroup. Vous êtes ?
- Karl Riekann.
- Asseyez vous, je vous en prie. Cigarette ?" demanda Angus en tendant un paquet au pilote, qui refusa. "Bon, pourquoi vous a-t-on envoyé ici ? Qu'est-ce que vous voulez ?"

Karl se posa dans un confortable fauteuil, tandis que Skroup allumait sa cigarette, sans le quitter des yeux.

Comme pas mal de monde ici, je cherche un boulot, un contrat... C'est Halls qui m'a donné vos coordonnées.

T'es bien un optimiste, gamin. Si j'ai besoin d'un pilote, Répondit-il avec un sourire mauvais, dans les volutes de sa cigarette, j'ai juste à passer dans la salle d'à côté pour en avoir une trentaine à mes pieds. Retourne dans les jupes de ta mère...

Pas décontenancé pour un sou, Riekann répondit simplement:

Pour sûr. Et vous vous retrouveriez avec quoi? Un contrebandier de bas fond à peine capable de manoeuvrer une vedette. Ou un ancien de la Spatiale viré pour alcoolisme, qui vous vendrait vous et votre cargaison pour rembourser des dettes de jeux. Vous n'avez pas besoin d'un simple pilote, mais d'un timonier, capable de manoeuvrer, d'entretenir et de réviser sans accroc un cargo, ou un navire assez conséquent.

Skroup semblait d'un coup moins prompt à le faire sortir, visiblement, il avait touché un point sensible. Le pilote sortit donc ses dernières cartes:

Chuis au courant pour Carter, j'bossais avec lui quand les flics l'ont serré. J'ai pas été inquiété, mais lui... Vous savez, quand les bleus choppent dans les Rasoirs autre chose qu'un dealer, ils le lâchent pas de si-tôt. Bref, vous avez besoin, au moins temporairement, d'un nouveau timonier pour aller ramasser vos colis aux quatre coins de Théna.

Le mercenaire s'était rassis, et Riekann jubila intérieurement: les officiers du renseignements ne semblait pas si incapable que ça. Angus Skroup alla même jusqu'à lui servir un verre, et de constater:

Je vois que vous semblez un peu plus réactif que les conducteurs de camions-poubelles d'à côté. Mais vous avez un semblant de référence?

Un vrai diplôme de pilote, quatre ans dans la Flotte, et 5 ans dans la marine marchande à commander mon propre astronef. J'ai tout fait, de l'aviso au transporteur lourd; je connais l'ensemble des procédures de vol sur Théna, et j'ai... Beaucoup de temps libre. Mais vous avez pas l'air du genre à demander un CV.

Un oiseau rare quoi.

"J'ai peut-être un boulot pour toi. Pas forcément bien payé, mais y'a des extras. Par contre, c'est un boulot longue-durée. Environ six mois, voire plus. Et ça eut t'amener un peu partout dans Théna." Angus Skroup alluma un seconde cigarette, inspira profondément, et recracha la fumée dans un soupir. Il regarda attentivement Riekann, cherchant à déchiffrer les expressions de son visage. "Si tu t'en tiens à ton job de pilote, tu serais payé 1.500£ par semaine de voyage. Mais j'pense que tu pourrais facilement entrer dans le service de sécurité une fois à terre... Tu pourrais facilement te faire 3 à 4.000£ de plus. T'en pense quoi ?
- Ca a l'air intéressant... Mais de quoi s'agit-il ?
- Tu connais John Inkermann ? Non ? Mais tu étais fourré où ces dernières années ? C'est le chanteur le plus en vogue de Mneme en ce moment ! Bref, il s'agirait d'accompagner sa tournée, le Maximum Metal Thena Tour. Du boulot facile, et plein de pognon à se faire. Qu'est-ce que t'en pense ?"

En quoi un chanteur reconnu avait-il besoin de contacter les réseaux de criminalité d'une planète agricole pour assurer la sécurité d'une tournée? Y'avait comme une couille dans le potage, et l'idée de s'éloigner en terre inconnue, hostile et hors de portée des gars de Derrick ne le rassurait guère. Mais une telle occasion devait être rarissime; et la saisir ravirait les gars de la crim'. Du moins, s'il arrivait à leur faire passer le mot...

Dégottez moi un vaisseau, un équipage, et je décolle quand vous voulez! Répondit le pilote.

"Parfait ! Suivez moi, je vais vous emmener voir votre nouveau patron !"

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HRP : Je m'excuse de ce monoligne. J'essaierai d'éditer un de ces jours, mais rien d'important ne changera