Un vol sans histoire

Poussé par ses vaillants mais vieillissants propulseurs à fusion, l'Hermès croisait en direction d'Himalia, planète agricole de Théna.

Après 3 longues semaines d'une mission qui l'avait mené de son port d'attache vers Mnemè, où l'équipage avait récupéré une cargaison de matériel de recherche , puis vers l'unique base scientifique de Neso, et son spatioport relativement miteux où ils devaient débarquer sous l'oeil méfiant de quelques scientifiques reclu le précieux matériel, Karl voyait enfin le bout du voyage. Il détourna les yeux de la photo de sa petite Nassana scotché sur un coin de la verrière, et se réintéressa à la dure réalité du vol interstellaire.

Sur l'écran de Pressly, le navigateur qu'il avait connu sur l'Azincourt, les données de vol vers Himalia défilait sous l'oeil de l'opérateur.

Nous rentrons dans une zone signalé par le contrôle spatial Karl... passage récent d'une comète: présence possible de débris glaciaire.

Faudrait vraiment qu'on ai pas de bol pour s'en taper un Pressly. Contente toi de me filer les estimations que je t'ai demandé.

Je regarde ça... Le vétéran de la Flotte se replongea sur sa console, et compléta: Environ 14 heures de vol, sauf si le canal d'exsudation tribord fait encore des siennes.

Pas d'risque de ce côté là. Commenta Jorek, l'ingénieur mécanicien, en se servant un énième café. J'ai réparé le refroidisseur sur Neso, on devrait être largement peinard jusqu'à la prochaine révision.

Mon cul ouais! T'a fait quoi cette fois çi? T'a coincé l'arrivée d'azote avec un trombone? T'es aussi apte à régler ce problème que moi d'ingurgiter cette merde que tu bois!

Comme d'habitude, Pressly et Jorek Zlatvic ne pouvait s'empêcher de se mettre sur la gueule pour un oui ou pour un non. Sans y penser, Riekann se reconcentra sur ses commandes de pilotage.

Signaux moteurs au vert: les bricolages de Jorek tenait le coup. L'Hermès suivait bien le cap prévu, et les systèmes vitaux semblaient normaux. Jusqu'à qu'il s'intéresse au cas du scope radar.

Merde... C'est quoi ces parasites? THOMAS!!!!

Le dénommé Thomas, responsable des systèmes de détection, quitta la salle de vie du vaisseau où il s'affairait à préparer un plat de pâte pour le dîner, et sa tête ne tarda pas à dépasser de la porte de la passerelle entrouverte:

Ouais?

C'est quoi cette merde avec le radar? T'a encore oublié de repositionner l'antenne?

Laisse moi voir. Le jeune homme s'accouda à sa console, et fit un diagnostic de l'émetteur. Rien à signaler, idem sur le circuit de réception. ça merde du côté de l'espace. Le sillage de la comète brouille complètement le signal.

Et bien évidemment, pile quand on rejoint la route Himalia/Mnemè. J'active notre balise de signalisation, Pressly, la signalisation lumineuse.

Je signale notre cap et position au contrôle spatial d'Himalia. Rajouta la technicienne chargé des communications.

Bonne initiative Tara. En avant lente.

L'axe Mnemè/Himalia était l'une des voie les plus fréquenté de Théna. Mais malgré le tonnage qui y circulait quotidiennement, les risques de rencontrer un autre vaisseau était infime, d'autant plus que tout les systèmes d'identification de l'Hermès était activé. Mais quand un problème peut arriver...

Après un peu plus d'une heure de navigation prudente et sans histoire, Thomas Anderson signala à haute et clairement intelligible voix:

Masse en approche sur 20°/-34° à 82 kilomiles! Gros porteur, sans balise activé!

Journée de merde!! Manoeuvres d'évitement! Double la puissance d'émission de la balise! Tara, rappelle à ces abrutis les procédures de vol sans radar opérationnel!

Riekann scrutait les rares images lisibles que transmettait le radar. Visiblement, ces crétins ne les avait pas repérés...

Le cargo Elodie venait de quitter son point d'attache en orbite d'Himalia. Ses soutes remplies de denrées alimentaires suffisant à nourrir toute une ville pendant un an, l'énorme vaisseaux spatial fonçait en direction de Mneme. Le capitaine, un vieil homme acariâtre appelé Johnny "la Baleine", restait avachi dans son fauteuil sans bouger, une tasse de café à la main. De temps en temps, il beuglait un ordre à ceux qui avaient la malchance de passer devant lui.

Les réacteurs à fusion du cargo tournaient à plein régime le temps d'extraire le spationef du champ de gravité d'Himalia. Deux hommes suaient sang et eau à maintenir les meilleures conditions de fonctionnement dans la salle des machines, volant rapidement d'un ordinateur à un autre. Dans la salle de commandement, Johnny cherchait le meilleur plan de vol, en communication directe avec le centre d'Himalia et les deux autres gros porteurs de la compagnie BioTech Inc., propriétaire de l'Elodie. Sorti des chantiers de la TSC trente trois ans plus tôt, le cargo avait perdu tout de sa splendeur d'antan. En piteux état, le tas de ferraille effectuait néanmoins des vols long-courriers sans interruption depuis sa mise en service, excepté les courtes périodes de révision obligatoire tout les dix ans.

Tout le monde à bord était tellement absorbé par ses tâches respectives que personne ne vit le petit signal sur le radar indiquant la présence d'un autre appareil. Les interférences causées par le passage de la comète coloraient l'écran de multiples points lumineux qui disparaissaient quelques secondes après. Aussi, lorsque l'opérateur radio cria "Appareil droit devant !", tout le monde fut surpris : le capitaine en lâcha sa tasse de café, le navigateur se redressa violemment, l'air affolé, et l'assistante navigatrice fit tomber son stylo. Le capitaine se précipita vers l'écran du radar, et jura lorsqu'il vit le point lumineux.

"Trop tard pour l'éviter... Timonier ! Diminuez la vitesse de trente pour cent ! Et entamez un virage de dix degrés tribord ! Opérateur radio, envoyez leur un message ! Dites leur qu'ils sont inconscients de se précipiter sur nous !"

Tout le monde courut à son poste. Il fallait à tout prix que le pilote d'en-face soit suffisamment compétent pour les éviter, sinon le cargo risquait de se retrouver avec un trou dans la coque, voire pire...

"Ils nous envoient un message, capitaine ! cria l'opérateur radio. Ils énumèrent les règles de vol sans radar.
- Mettez moi en liaison vidéo avec leur commandant.
- Bien, capitaine."

Riekann poussait l'Hermès dans ses derniers retranchements: le transporteur lourd qui les chargeait souffrait d'une inertie énorme et d'une trop grande vitesse, dû sans doute à l'utilisation d'Himalia comme fronde gravitationnelle. Et sans balise d'identification à pleine puissance...

Mais quelle bande de cons!!!! Mais quelle bande de...!!!!

Limitant l'inertie de son vaisseau à l'aide des contre-propulseurs, il parvint à détourner l'Hermès de son cap, et à éviter de quelques kilomètres seulement le cargo qui décélérait à son tour. Il arrêta le vaisseau, et s'effondra dans son siège, le visage ruisselant de sueur. Les 5 membres d'équipages était on ne peut plus moite, et soulagé.

C'est pas passé loin... Jorek, Thomas, en salle des machines, les moteurs n'ont pas dû appréçier la manoeuvre.

Les 2 hommes acquiescèrent, et descendirent l'échelle qui menait au niveau d'ingénierie.

Karl, l'officier de communication du cargo demande un canal vidéo.

Valide, et transmet sur l'écran principal.

Karl se leva, et prit place face à la caméra, non sans avoir essuyé la sueur sur son visage. L'image d'un vieil officier de la marchande, le logo de la Biotech sur l'uniforme apparut:

Les détecteurs de proximité, c'est pas de série sur votre navire capitaine?!

L'image de Karl Riekann apparut sur l'écran principal de la salle de commandement de l'Elodie. Le capitaine corporatiste le toisa, et rougit de rage lorsque ce misérable capitaine indépendant lui dit :

"Les détecteurs de proximité, c'est pas de série sur vos navires capitaine ?!"

Johnny "la Baleine" s'efforça de se contenir. Il fulminait. Les dents serrées, il répondit :

"Imbécile ! Vous ne vous rendez pas compte de ce que vous auriez pu causer comme dégâts ? Y'en a pour plusieurs dizaines de millions dans mes soutes ! Et d'ailleurs, vous l'avez eu où, votre diplôme ? Moi j'parie qu'vous en avez pas ! J'ai raison, n'est-ce pas ? Maintenant vous allez me donner votre immatriculation, et votre nom, puis vous allez me dégager le plancher ! Et que je ne vous recroise plus après !"

Alors que le capitaine indépendant faisait mine de résister, Johnny brandit son insigne de la BioTech devant la caméra, et cria :

"Vous savez c'que c'est, ça ?! C'est ce qui fait de vous un pouilleux ! Un moins que rien ! J'espère pour vous que vous le savez..."

Les membres d'équipage de l'Elodie étaient de tout cœur avec leur capitaine, même si jamais ils n'auraient formulé leur mécontentement sous cette forme. Mais qu'y pouvaient-ils ? Leur capitaine était ainsi, vindicatif et porté sur la boisson... C'était même exceptionnel qu'il fut sobre, et qu'il se soit tant retenu.

L'Elodie ralentissait. Des grincements résonnaient dans les soutes inférieures, témoins des forces contraires appliquées au cargo lors de son virage. Plusieurs sections entières étaient plongées dans le noir, toute l'énergie étant redistribuée vers les répulseurs...

Pitoyable. Le premier mot qui venait à l'esprit de l'équipage de l'Hermès suffisait amplement à décrire la prestation d'un poivrot gesticulant. Non content d'être un incapable, il était corporatiste.

Karl se raidit, sa temps commençant à palpiter dangereusement.

C'est sensé m'apprendre quoi? Que Biotech colle ses singes de laboratoire aux commandes de ses camions-poubelles?

Le capitaine de l'Elodie prenait désormais une teinte écarlate, et Karl s'attendait presque à le voir la bave aux lèvres.

Je suis l'officier pilote Karl Riekann, capitaine du TL-AR953-IV447 Hermès et coursier indépendant, et quand aux avaries supplémentaires que j'aurais pû infliger à votre épave, croyez moi, je m'en contrefiche royalement: c'est nos équipages respectifs que VOUS avez mit en danger en ignorant les règles les plus élémentaires de l'astronavigation.

Donc vos remontrances et autres pseudo-leçons de pilotage, vous vous les carrez là où je pense, et si vous avez quelque chose à y redire, le pouilleux vous donne rendez vous au spatioport d'Halia, hangar 762-A, et se ferra un plaisir de vous coller son pied au cul quand il aura terminé de réparer le résultat de vos conneries.

Ca sera tout?

Termina-t-il d'un sourire ironique. Autour de lui, Pressly restait bouche bée, et la technicienne Liebermann, de son poste radio' parfaitement dans le champs de la caméra ne put réprimer un petit fou rire.

Tout le monde, à bord de l'Elodie, resta bouche bée. Comment osait-il ? Le capitaine ne bougeait plus, abasourdi : cet homme était-il suicidaire ?

"Gardez un œil dans votre dos, si vous tenez à la vie... souffla Johnny "la Baleine". Vous risquez bien..." Il fut coupé par l'opérateur radio, qui lui dit :

"Capitaine, appel de priorité alpha. Je vous met en contact immédiat."

Un deuxième écran s'alluma, révélant une personne de haute taille, assise derrière un ordinateur.

"Capitaine Johnny Artman, ici la tour de contrôle de l'astroport d'Halia. Pourquoi vous détournez-vous de votre plan de vol ? D'autres vaisseaux doivent l'emprunter bientôt. Vous devez libérer le passage et suivre votre plan de vol.
- Nous avons failli heurter un appareil, répondit le corporatiste, toujours énervé. Je lui apprenais les bonnes manières quand...
- Peu importe. Envoyez nous l'immatriculation de cet appareil, et continuez votre route immédiatement. Un autre gros-porteur emprunte ce couloir, et arrivera à votre niveau d'ici une heure à peine si vous maintenez ce régime ! Vous ne vous rendez pas compte de la pagaille que vous avez semée au sein de la tour de contrôle ! Je ne vous le redirais pas une autre fois : reprenez votre route immédiatement ! Communication terminée."

L'écran s'éteignit. Karl Riekann avait pu entendre la diatribe du contrôleur himalien. Johnny "la Baleine" se retourna vers la caméra, et dit à Riekann : "Vous perdez rien pour attendre... J'vous aurais, un jour. BioTech vous aura..." avant de couper la liaison.

Les réacteurs du cargo furent poussés à leur maximum, et l'Elodie accéléra peu à peu. Très vite, l'équipage de l'Hermès ne pu voir du cargo que les feux des réacteurs, de plus en plus petits...

La communication se termina dans un grand silence. Qui se transforma soudainement en fou rire. Reprenant leur calme, pilote et navigateur s'affairèrent à vérifier les systèmes du vaisseau, tandis que Liebermann expliquait au contrôle spatial sa version de l'incident avec l'Elodie.

Dieu sait que j'en ai vu des abrutis dans ma chienne de vie, mais de cet acabit, c'est une première! Ricana Pressly.

Maculé de graisse et d'huile, Zlatvic s'extirpa du conduit de maintenance, et rejoignit son commandant:

Bon, les moteurs principaux n'ont pas trop souffert, et mon bricolade sur le réfrigérant a tenu bon. Mais le contre-propulseur secondaire 4 a surchauffé.

Rien de grave au moins?

De mon côté, ça va, et Thomas est en train de finir la vérification du système de contrôle. Normalement, ça tiendra jusqu'aux réparation à quai, mais faudra éviter un autre freinage d'urgence sous peine de perdre définitivement le moteur.

Les pièces détachés pour moteurs de contre-poussée compatible Colombus, c'est pas monnaie courante, même chez les fournisseurs accrédités: ce genre de modèle n'est plus construit depuis un bout de temps.

Je sais, mais les bons ferrailleurs, c'est pas ce qui manque sur Halia.

Quelques minutes après, Karl et Jorek redémarrèrent le générateur principal, et l'Hermès reprit sa route, sans qu'un bruit suspect ne se fasse entendre dans la structure de l'astronef.

Près de 15 heures plus tard, et sans incident, l'Hermès déplia ses patins d'atterrissage, et se posa comme une fleur sur le tarmac himaliens. Comme à chaque fin de mission, Karl rejoignit la capitainerie, avec dans la main le pad contenant une copie des données du vol, pendant que son équipage se dispersait, en direction de leurs domicile respectifs.

Il pénétra dans le bâtiment, qu'il connaissait comme sa poche, et rejoignit directement le bureau de son référent. A l'intérieur de celui çi, un contrôleur à l'allure miteuse, légèrement bedonnant, l'invita à le rejoindre, et lui serra la main avec vigueur:

Ca faisait un bail Karl! Tu m'apporte le journal de bord? Fit-il, en voyant le pad de donnée que lui tendait le pilote.

Entre autre Mab'. Y'a aussi mon rapport concernant un petit incident de route avec un cargo.

Ha oui! L'Elodie nous a transmit une plainte à ton encontre. T'as encore fait des étincelles!

M'en parle pas... Donc normalement, entre ça, et les informations transmises par Tara Liebermann, j'ai tout dit.

Ne t'en fait pas, les corpo' ne peuvent pas saquer les indépendants: dès qu'ils peuvent te chier dans les bottes, ils le font. Même si ça mène rarement à quelque chose.

Le contrôleur copia dans son ordinateur les données du datapad, qu'il rendit à Karl, avant de le raccompagner. Avant de quitter sa vieil connaissance, Riekann lui posa une dernière question:

Sinon, toi qui connait à peu près tout l'monde dans le coin, tu saurais pas quel ferrailleur pourrait me refiler des pièces pour un contre-propulseur compatible Baudo?

Hmmm... Je regarde ça, et je te recontacte. Ne te tracasse pas pour ça. Et passe le bonjour à ta p'tite famille.

Mab' s'appuya contre le mur, et regarda Karl se diriger vers la bouche d'aérotram la plus proche. Son comlink bippa:

Allo?

Mr Mabrier? Fit la voix fluette de son assistante, un homme demande à vous voir. De la part de BioTech Inc.

"Monsieur Mabrier ? Je suis M. Arakana, de la BioTech Inc.
- Que voulez-vous ?
- Nous souhaitions vous proposer un moyen d'arrondir vos fins de mois, si vous voyez ce que je dire...
- Comment ? Et combien ?
- Oh, c'est très simple. Vous n'avez qu'à déposer ce sachet dans un vaisseau, et garder le silence, et c'est tout !
- Qu'est-ce que c'est ?
- Je pense que vous préféreriez ne pas le savoir... Mais ça vous rapportera 400£. Qu'en dites-vous ?
- C'est tentant, en effet... J'accepte ! Je dois le déposer dans quel vaisseau ?
- Arrangez-vous pour que le sachet soit dans le cargo Hermès dans trois heures. Voici la moitié. Le reste une fois que vous l'aurez fait.
- Bien..." soupira Carlos Mabrier.


Un coup, suivit de deux autres. Karl Riekann se leva de son sofa, se demandant qui cela pouvait bien être, et ouvrit la porte. Il se retrouva face à trois solides gaillards portant un blouson de cuir noir et un brassard orange vif où on pouvait lire "Douanes".

"Monsieur Riekann ?
- Oui. Qu'est-ce que vous voulez ?
- Veuillez nous suivre s'il vous plait.
- Pourquoi ?!
- Silence ! Nous avons le droit d'user de la force, et nous n'hésiterons pas ! Obéissez calmement, et tout se passera bien."

Les policiers conduisirent le capitaine indépendant jusqu'à une camionnette noire banalisée. Deux hommes s'assirent de part et d'autre de Riekann, prêts à intervenir, alors qu'un troisième s'asseyait face au volant. Sur le palier, Elize tenait Nassana contre elle, s'efforçant de paraître calme pour ne pas effrayer la fillette. Riekann les regarda s'éloigner à travers la vitre teintée, sans réellement comprendre ce qui se passait.

Ils arrivèrent au spatioport marchand d'Halia. D'autres policiers attendaient Riekann sur place, certains étaient même lourdement armés. Pourquoi une telle démonstration de force ? Que se passait-il ? Riekann fut amené jusqu'à l'Hermès, face auquel se tenait un policier en uniforme tenant fermement une chien en laisse.

"Monsieur Riekann. Veuillez ouvrir le sas de votre spationef. Vous êtes accusé de transport de denrées illicites. Réfutez-vous cette accusation ?"

Des denrées illicites?! Mais... je... Oui, je réfute!

Accusation de contrebande. La nouvelle lui tombait sur la tête sans le moindre signe prémonitoire. C'était le genre de chose auquel ils évitaient de toucher, lui et son équipage. Néanmoins, peut-être avait il loupé quelque chose de grave dans les quelques caisses vides qu'il ramenait de Neso... Un frisson lui parcouru l'échine, pendant qu'il déverrouillait la porte de son vaisseau.

Voilà.

Je vous en prie, répondit le policier derrière lui, en lui enfonçant encore un peu plus le canon de son arme de service dans le dos.

Trop aimable... maugréa Karl.

Il pénétra dans le poste de commande du vaisseau, suivit d'une solide escorte. Pendant que les agents entamaient les fouilles, Karl, sous l'oeil attentif d'un lieutenant et son pistolet lourd, se dirigea vers son pupitre de pilotage, et sortit une copie du journal de bord, et du manifeste d'embarquement de Neso, certifié par les douanes locales.

Voilà, les détails complets de ma dernière traversée.

Adams! Apportez ça au commissaire. Enchaîna celui çi, sans même un regard pour le timonier.

Après quelques minutes d'une longue attente, l'un des policier émergea de l'échelle menant à la soute, affirmant avoir trouvé quelque chose. Le lieutenant "invita" donc prestement Karl à le suivre dans la cale, où les attendait le policier.

Regardez moi ça chef: pure de chez pure.... Y'en a au moins pour 12 000 thén' là dedans.

Le lieutenant s'empara du sachet, renvoyant son collègue fouiller le fond de cale, avant de s'en retourner vers Karl, complètement estomaqué, et de demander d'un ton cynique:

Et r'gardez moi ça... De l'Erisienne en plus: monsieur est connaisseur.

Il attrapa le timonier, et le plaqua contre le mur en récitant:

Karl Riekann, vous êtes en état d'arrestation. Vous avez le droit de garder le silence. Tout ce que vous direz pourra et...

Il ne termina pas sa phrase. Un puissant coup de feu venait de claquer dans la soue exiguë, assenant un coup sérieux aux tympans de Karl et de son "escorte". Le lieutenant le balança contre une caisse, l'assomant à moitié, avant de se précipiter vers son collègue, l'arme levé.

Karl était déboussolé Ses oreilles bourdonnaient, sa tête tournait mais il entendait encore le gémissement lointain d'un policier. Devant lui, le lieutenant s'écroulait, une joli plaie sur la tête. Un inconnu se tenait devant lui. Un inconnu avec un gros flingue.

D'abord ce foutu marin de la Biotech, puis le contre-propulseur à remplacer, la surprise de l'arrestation devant sa propre famille, la perquisition sur l'Hermès, un sachet de came qui n'avait rien à faire là, et maintenant deux agents à terre lors d'une prise d'otage, et un pistolet braqué sur soi par un espèce de malade déguisé en paramililtaire. Bref, semaine de merde.

Le contact du canon encore chaud sur sa tempe le dissuada de répondre aux sommations de la police.

Riekann.. Je ne connais pas ce nom, mais c'est pas le mien. Les flics seraient donc là... Pour vous.

M. Riekann, je pense que vous allez prochainement avoir quelques explications à fournir à la police pour cet "incident". Enfin, si vous coopérez. Le cas contraire, soyez rassuré, vous ne serez jamais plus importuné par les douanes. Ou n'importe qui d'ailleurs.

Un homme admirable, doté d'un grand sens du relationnel, et d'un charisme inébranlable observa Karl.

Il recula d'un pas, et tenta de répondre du ton le plus calme et posé qu'il put:

Ecoutez, j'ai rien à voir avec votre histoire, j'ai rien à voir avec ce bordel. Ce que vous faites là, vous et votre came, j'en sais rien, et je veux pas le savoir, mais... Fit-il, avant d'être coupé par le déclic caractéristique d'un cran de sûreté que l'on relève. C'est bon!! C'est bon! Je coopère!

Heureusement pour Karl, le taré ne l'avais pas entendu grommeler qu'il pouvait s'enfoncer la came dans l'orifice de son choix.

L'affaire prenait une tournure assez inquiétante. Bien que formé au tir lors de son service, il ne pouvait espérer utiliser le pistolet de l'un des policier: l'inconnu n'aurait visiblement aucune hésitation. Quand à tenter de le neutraliser physiquement... Il ramassa les armes, et les oreillettes des 2 agents, non sans apporter la trousse de soin au policier blessé.

Alors qu'il déposait les armes et l'une des radios au pied du forcené, celui çi lui demanda à quel système il avait accès d'ici

A pas grand chose. La salle des machines est derrière la porte au fond, avec entre autre le contrôle ventilation. Sinon, vous avez l'interphone sur le mur du fond, et un relais électrique derrière le panneau.

Il attendit quelques secondes, avant d'être certain que l'homme était "d'humeur".

Le flic à l'air vraiment mal en point. Je vais voir ça...

Mouais... J'vous ai à l'oeil.

Karl ne répondit pas, et rejoignit l'homme à terre. L'artère fémorale avait échappé au carnage, mais sa cuisse n'était vraiment pas belle à voir. Les blessures par balle ne faisant pas parti de la liste des accidents banals de la vie de marin, il ne savait pas trop quoi faire. Il nettoya rapidement la plaie, et appliqua un bandage de premier secours, non sans glisser discrètement la seconde radio, qu'il avait caché, dans la botte du flic.

Revenez un peu par ici Nurse!

Riekann ne répondit pas, et revint près de l'inconnu, qui le tenait toujours en joue. Il fallait le faire parler: jouer la montre, espérer une intervention rapide de la police himalienne.

On a presque oublié de faire connaissance avec tout ça... Mais qui êtes vous? Qu'est ce que vous trafiquiez avec votre daube dans mon vaisseau?

Karl résista à l'envie d'envoyer bouler Torrens quand celui çi lui expliqua comme à un attardé comment se servir d'un pistolet. Les jouets du gabarit du M-35 était largement répandu chez les troupes embarqués, de par le mariage parfait entre puissance de feu et encombrement réduit qu'ils offraient, et il avait eu l'occasion de s'y exercer plusieurs fois en stand d'exercice durant son service.

Il soupesa l'arme. Chargée. Et parfairement entretenue, le cran de sûreté relevé. Il releva la tête: Torrens, collé à l'oreillette, et en grande conversation depuis plus d'un quart d'heure, semblait ravi. Plus important, il avait baissé sa garde. Il se mit discrètement en joue, et posa son doigt sur la détente. Pour une fois, il prêtait une oreille attentive à la transmission

... Faut la jouer finement, ouais... C'est bien ça, l'Hermès, hangar 762-A... Très bien, merci. Je constate que Ludo m'a bien conseillé... J'en devrais une belle aux Rasoirs Sanglants... Ok, à tout de suite.

Riekann jura intérieurement: cet abruti était non seulement taré, mais en plus lié au gang le plus virulent d'Halia. Il baissa son arme, et interpella le mercenaire:

et on fait quoi maintenant GI Joe?

Tu la boucle, tu t'assieds, et tu attend bien gentiment la suite des évènements.

Les quelques minutes qui suivirent furent sans nul doute les plus longue de toute son existence. Enfermé dans la cale de son propre vaisseau, à attendre l'intervention du SWAT ou du gang le plus dangereux d'Himalia, avec comme compagnon d'infortune un douanier terrifié dont la cuisse prenait des apparences de choux-fleurs, tandis que le silence pesant n'était brisé que par le clic-clac régulier d'un mercenaire taré jouant machinalement avec la sécurité de son arme.

Sans prévenir, les balles crépitèrent de toutes part, certaines heurtant avec fracas la carlingue. Puis après seulement 2 secondes de feu nourri, plus rien. Un instant après, l'on toqua contre la baie de chargement:

Ohé, les rats du vaisseau, vous sortez? J'ai une planque pour vous. Faites vite, les cops vont pas tarder à se ramener.

Samuel Torrens écrasa du poing la commande d'ouverture, et la porte métallique s'ouvrit sur un homme aux allures de fouine, tenant à la main une arme de poing automatique encore fumante, qui salua le mercenaire.

Vous m'excuserez si on saute les présentations, mais nous avons un horaire assez serré. Bref, vous devriez vous bouger l'cul.

En effet, les première sirènes de police se faisait entendre au loin. Samuel sortit du vaisseau à la suite de Hack Man, et fit un signe à la paire d'homme de main des Rasoirs qui attendait dehors, fusils d'assauts à la main.

Joli carton.

Et on en fait quoi de votre gonzesse? Demanda le gangster en désignant Riekann du canon de son arme.

Riekann! Ramène toi! C'est ta chance!

Une balle siffla à ses oreilles en signe de réponse. Karl se tenait à la baie de chargement, le Malorian encore fumant braqué droit devant lui:

La prochaine, c'est dans la tête! Dégage!

Torrens beugla aux Rasoirs de ne pas tirer.

Dommage pour toi gamin. Dit pas que je t'ai pas donné ta chance...

Le mercenaire vit volte face, suivit des trois bandits. Dès qu'ils eurent quitté le hangar, Karl baissa son arme, et observa le carnage. Les 5 policiers gisaient dans une mare de sang: les Rasoirs ne leurs avaient laissé aucune chance. Il regarda dans le vaisseau, l'agent blessé s'était traîné contre le mur, et tentait d'arranger le garrot posé dans l'urgence par Riekann. Le timonier ramassa la botte de l'agent, et balança la radio au policier. Quand au lieutenant, il s'en sortirait. Surement avec une belle migraine.

Les sirènes étaient désormais toute proches. Il entendait les aérodynes à l'entrée du hangar, sûrement en train de déposer des hommes. A bout de force, Karl s'assit sur la baie de chargement, et posa le pistolet lourd.

Lorsqu'une escouade des forces d'interventions arriva face à l'Hermès, Riekann se contenta de lever la main pour se signaler. La radio du policier à terre était resté émettrice sur la fréquence de la douane, les différents impacts sur l'ensemble des victimes n'étaient pas dû à son arme, et il disposait en la personne de l'agent blessé d'un témoin oculaire.

Riekann put enfin souffler. Il n'avait envie que d'une chose: que la police prenne rapidement sa déposition, qu'il puisse rentrer enfin chez lui.

Les policiers encerclèrent Karl Riekann, le pointant de leurs armes de services.

"Plus un geste ! Les mains sur la tête !" cria l'officier de l'escouade d'intervention. "Vous êtes en état d'arrestation !"

Riekann acquiesça d'un léger hochement de tête, et obéit scrupuleusement aux ordres du policier. Deux hommes lui passèrent ensuite des menottes, tandis que quatre autres investissaient l'Hermès. Ils ressortirent rapidement, portant les deux blessés.

Riekann fut emmené jusqu'au poste le plus proche sous bonne garde. Là, on lui annonça qu'il passerait au moins soixante-douze heures en garde à vue, le temps de déterminer son implication dans cette prise d'otages. S'ensuivrait ensuite un rapide procès, selon les preuves et témoignages des divers participants.

Après quatre heures passées dans la cellule de garde à vue, Riekann fut introduit dans la salle d'interrogatoire, où l'attendait un commissaire.

"Expliquez moi ce qu'il s'est passé là-bas... Et mentez pas. On a les moyens de vérifier la véracité de vos paroles."

Evidemment, pas même un commis d'office. Et visiblement, Karl n'aurait pas le droit à son coup de fil avant la fin du festival. Au moins, le commissaire était muni d'un enregistreur. Il se recala dans le fauteuil, et commença:

Et bien, suite à mon interpellation à mon domicile de ce matin, j'ai été transporté à mon navire par la police du spatioport, afin de procéder à une perquisition sur mon vaisseau, dans le cadre d'une affaire de trafic de stupéfiant.

J'ai donc coopéré avec les officiers, et ouvert mon vaisseau pour les laisser travailler, et leurs fournir les données relatives à ma dernière mission. De là, vos collègues ont entamés les fouilles de l'appareil.

Fouille qui s'est révelée?

Aucune raison de mentir. Karl n'était pas rassuré, mais omettre la présence du sachet pourrait lui coûter cher.

Concluante, à ma surprise. L'un des agents nous a fait venir, moi et le lieutenant, dans la soute, où il avait trouvé un paquet d'Erisienne pure.

Vous avouez donc avoir caché des drogues dans votre vaisseau?

Pas du tout. La dernière escale de mon navire fut Neso. En respect des procédures en vigueur, des hommes assermentés du contingent militaire de la base ont entièrement fouillé le navire, à l'arrivée, et au départ. Les copies de leurs rapports figurent sur le journal de bord, que j'ai fourni aux agents du spatioport. Une copie est également disponible à la capitainerie, enregistré par Mr Mabrier.

Et qui nous dit que votre "cargaison" n'était pas en partance? Répondit le commissaire, songeur.

C'est simple: l'Hermès est cloué au sol. Un incident avec un vaisseau de Biotech sur le noeud Himalia/Mnemè a gravement endommagé le système de contre-propulsion: le vaisseau n'est plus apte à décoller, jusqu'à la fin des réparations. Réparation nécessitant l'intervention de personnels extérieurs à l'équipage pour vérifier et réparer l'ensemble des contre-propulseurs, et de leurs systèmes auxiliaires. Là encore, je vous renvoie sur le journal de bord. Je suis peut-être pas très brillant, mais pas au point de laisser quelques milliers de thénas de drogue illégale bien en vue dans une soute où travaillerons une demi douzaine de techniciens extérieurs.

Le commissaire affichait un ton neutre, mais il n'était pas difficile de constater qu'il réfléchissait, sans écarter ni décrier le témoignage du pilote.

Bien, continuez. L'agent trouve la came en fouillant la soute, et?

Un individu armé, j'ai entendu plus tard le nom de Samuel Torrens, était visiblement caché dans la soute. Lorsque l'agent reprit les recherche, ce malade lui tira dessus sans sommation, le touchant à la cuisse, avant de neutraliser le lieutenant.

Il m'a épargné, récupéré la came, et m'a ordonné de verrouiller l'accès à la soute. Puis, il m'a fait rassembler les armes et radios.

Vous savez que l'une de ces radios est restée active pendant toute la durée de la prise d'otage? Tenta le policier, afin d'affirmer que la police disposait d'éléments capitaux.

Oui. Je l'ai subtilisé, et caché pendant que je donnais les premiers secours à l'agent, qui est resté conscient pendant toute la durée de la prise d'otage.

Je vois. La suite?

Comprenant que la police du spatioport me tenait coupable de cet prise d'otage, Torrens m'a collé une arme dans les mains, au cas où vos collègues prendrait d'assaut la soute.

Là, ça semblait un peu gros, et le commissaire ne manqua pas de le faire savoir:

Vous dites que le type qui vous a pris en otage vous a lui même armé?

Oui. Vous disposez des enregistrements de la radio, vous pouvez vérifier.

Certes, mais... Votre dossier nous indique que vous avez servi dans la Flotte, fit l'officier en parcourant le dossier de Karl, Vous saviez donc vous servir d'une arme, vous auriez pu le neutraliser, non?

Il avait clairement l'air de maîtriser le maniement des armes. Mercenaire, ou ancien soldat sans doute, et déséquilibré. Mes chances étaient faibles. Et puis, comme il me l'a si bien expliqué, si je l'abattais, ça donnait quoi? Un cadavre de plus à charge?

Et donc?

Torrens cherchait à se rappeler de quelque chose, d'une fréquence radio. J'ai entendu le nom de Lawry pendant qu'il marmonnait. Il a fini par la retrouver, et à contacter des amis à lui, des Rasoirs Sanglants. Quelques minutes plus tard, ils arrivaient, et ça tirait dans tout les sens.

Les Rasoirs Sanglants. Saleté de tueurs de flics Termina le commissaire, avec une pointe de dégout dans la voix. Rien que les rapports de la morgue foutrait la nausée à n'importe qui.

Je connais la réputation des Rasoirs. Après avoir massacré l'équipe, l'un d'entre eux a tapé contre la porte de la baie de chargement, Torrens lui a ouvert, et ils se sont barré.

Sans rien vous faire?

Torrens m'a proposé de le suivre, et en signe de réponse, je lui ai tiré dessus. Il a ordonné aux Rasoirs de pas riposter, et ils se sont échappés par la porte est, pendant que vos aérodynes rappliquaient.

J'ai vérifié l'état de santé de l'agent à terre, je lui ai refilé sa radio, et j'ai attendu l'arrivée de vos hommes, qui ont procédé à mon arrestation.

le commissaire, après avoir écouté avec attention, posa une dernière question:

Savez vous comment ce Torrens et sa came se sont retrouvé à bord? Un membre de votre équipage peut-être?

Je répond entièrement de mes hommes. J'ai été le dernier à quitter l'Hermès, en verrouillant les entrées. Il n'y a que deux clefs d'accès: la mienne, et un double confié à mon référent à la capitainerie, Carlos Mabrier. Mais les systèmes de verrouillages inviolables n'existent pas: quelqu'un avec un peu d'expérience en piratage électronique peut sans trop de difficulté forcé l'entrée.

Très bien. Attendez ici.

Le commissaire se leva, et quitta la pièce avec l'enregistreur. Karl était désormais presque seul dans la grande pièce faiblement éclairé. Près de la porte, un policier en armure d'intervention montait la garde dans la pénombre, l'observant à travers la visière de son casque. Il n'avait plus qu'une envie, sortir d'ici. Elize devait être morte d'inquiétude, quelque part dans l'un des poste de police de la ville.

Riekann patienta une demi-heure environ dans la salle d'interrogatoire. Le policier de garde resta immobile, la main sur la crosse de son arme de service. Puis, sans coup pour prévenir, le commissaire entra dans la salle suivi d'un autre homme en costume.

"Voici Maître van Kaarp, votre avocat. Il va vous expliquer ce que vous risquez, puis vous serez reconduit à votre cellule. Vous aurez la possibilité de téléphoner à votre famille cinq minutes, pas une de plus. Ensuite, vous attendrez votre procès..."

L'avocat s'assit face à Riekann, pendant que le commissaire restait debout derrière.

"Monsieur Riekann." commença maître van Kaarp. "Je suis ici pour vous présenter les sanctions que vous risquez pour avoir enfreint la loi.Tout d'abord, le transport de stupéfiants de classe A est passible de deux ans de prison ferme, ainsi que d'une amende de trente cinq mille thénas. De plus, la participation à une prise d'otages en tant que complice peut vous valoir vingt-cinq ans de prison ferme, et une autre amende de deux cent mille thénas. Si vous ne pouvez pas payer les amendes, vous devrez alors effectuer des travaux d'intérêt généraux pour une durée variant selon votre amende. Des questions ?"

Riekann secoua lentement la tête de gauche à droite, l'air abattu. L'avocat reprit :

"Néanmoins, vous semblez disposer d'un alibi valable, ainsi que de témoignages et enregistrements en votre faveur, de sorte que vous ne risquez plus qu'un retrait de licence et un amende de deux à trois mille thénas. Néanmoins, il faudra attendre la fin de l'enquête et votre procès pour être fixé." Maître van Kaarp regarda Riekann droit dans les yeux. "Avez-vous quelque chose à ajouter que vous n'auriez pas dit à monsieur le commissaire et susceptible de vous aider à vous défendre ? Non ? Bon, je pense en avoir fini dans ce cas... Au revoir, monsieur Riekann. Je vous reverrez à votre procès."

L'avocat se leva, et ressorti de la salle. Quelques minutes après, le commissaire raccompagna Riekann jusqu'à sa cellule, lui annonçant qu'il ne pourrait téléphoner que le lendemain matin. Le procès devrait se tenir deux jours plus tard, au Tribunal d'Halia, entre deux séances plus importantes (notamment le jugement du célèbre tueur en série Klaus Ertzwohl, qui avait sévi pendant plus de vingt ans dans les faubourgs d'Halia, massacrant des familles entières avec une sauvagerie inégalée).

Qu'allait penser Elize de tout ceci ?

La jeune femme attendait depuis plusieurs heures, dans l'un des sièges miteux du hall du poste de police du secteur. Pour l'instant, ce qu'avait réussi à obtenir Elize auprès du réceptionniste se limitait au fait que Karl était écouté dans le cadre d'une enquête de la police du spatioport, et qu'elle était priée de bien vouloir garder son calme. Le lieu, le quand, le pourquoi, elle l'ignorait.

Elle jeta un œil vers la réception, où un vieil officier s'entretenait avec le réceptionniste, qui la désigna. L'homme, un grand gaillard aux cheveux grisonnant, dont les quelques kilo en excès recouvrait une solide carcasse, s'avança vers elle d'un air compatissant:

Madame Avedès? Demanda-il.

En effet, fit-elle en lui serrant la main.

Lieutenant Cole, police du spatioport. J'ai reçu une communication de la Judiciaire, et des nouvelles de votre mari. Vous ferriez mieux de vous asseoir.

La police judiciaire? Elle s'exécuta, et laissa Cole lui expliquer le pourquoi de l'arrestation: une accusation de trafic de stupéfiant, source anonyme, et les complications qui suivirent: le coup de feu, la prise d'otage, l'attaque des Rasoirs Sanglants, jusqu'à l'intervention du SWAT.

Complètement hagarde, la jeune femme resta un instant sans rien dire, à assimiler la nouvelle. Le lieutenant tenta de la rassurer, avec le doigté d'un dinosaure, avant de rajouter:

Ca va? Vous encaissez?

Mais... C'est complètement... C'est du n'importe quoi! Vous êtes sûr que Karl a fait ça!? Ça ne peut pas être lui!

Comme ça, avec les informations que nous as lâché la PJ... On a 5 hommes qui y sont resté, et les 2 otages à l'hôpital, sans qu'on sache vraiment pourquoi. J'en sais guère plus: la Police Judiciaire ne nous à rien lâché de plus, on est dans le brouillard. Répondit Cole, avec un air particulièrement blasé.

Vous savez comment pourrais-je obtenir plus de renseignement?

Faudrait voir directement avec eux madame. Mais c'est bizarre qu'on ne nous ai pas demandé de vous faire mander: En général, dans ce genre d'affaire, les proches d'un suspect sont entendu. Vous ferriez mieux d'aller faire un tour au Commissariat Central d'Halia.

Elize remercia Cole, et quitta aussitôt le petit poste de quartier. La circulation étant étonnement fluide, elle ne mit que peu de temps à arriver au Commissariat Central, quartier général de la police dans la capitale himalienne. Se retrouvant sans trop de difficulté, elle se présenta à une réceptionniste occupé à refaire son vernissage:

'Voyez pas que chuis occupé? Bon... Elle souffla avec vigueur sur ses ongles, et reprit le travail. Bienvenue au service d'accueil du commissariat central d'Halia. En quoi puis-je vous aider?

J'aimerais obtenir quelques renseignements, si c'est possible. A propos d'une prise d'otage impliquant Karl Riekann, qui...

Le crétin qui a prit en otage deux gars au spatioport? Oui, je suis au courant... C'est une affaire en cours, y'a peu de chance que je sois habilité à vous fournir des informations. Je regarde... Et vous êtes?

Elize Avedès, l'épouse de M. Riekann.

Oh. Euh... Je vous met en contact avec l'officier traitant cette affaire.

Sans dangers?! Les bas-quartiers sont de vrais coupe-gorges! Il...

L'officier Gimson soupira, et la coupa d'un geste en répondant d'un ton compréhensif:

Et vous croyez que Sao est différente? Ecoutez, je vous comprend, mais on peut guère faire plus pour M. Riekann. Il ne s'agit que de quelques rencontres, des observations, sous la surveillance discrète de nos agents de terrains.

Et si les choses tournaient mal?

Il n'y a aucune raison que ça tourne mal. Et n'oubliez pas que ses descentes pourraient nous apporter. Répondit-il, en lui tendant la déclaration, et un stylo. Donnez lui une chance de rentrer chez lui un jour.

Elize déglutit en acceptant le document. Elle parcouru les brefs textes indiquant l'objet de l'engagement de son époux, avec le ressentit grandissant qu'elle lisait son formulaire d'envoi à l'abattoir.

Consciente qu'elle n'avait que cela ou Sao, la karienne signa, non sans un profond sentiment de dégoût.

Riekann était allongé sur la paillasses qui "meublait" l'accueillante petite cellule où il profitait de l'aimable compagnie, dans les cellules voisines surpeuplées, de la petite délinquance et de tout un joyeux petit panel de camés et contrevenant de tout poil

D'un regard vide, il observait le plafond, sans savoir véritablement depuis quand, rêvant intérieurement à coller un pain au camé de la cellule AD-23 qui lui demandait depuis une heure si il avait pas un shoot d'Erisienne.

Il entendit le chuintement de la porte du bloc de détention s'ouvrir, et un agent marcher dans le couloir. Il ne réagit à la présence du maton que quand celui çi l'appela:

Debout Riekann!

Je peux vous aider peut-être? Fit-il d'un ton sarcastique, en se relevant.

On se débrouillera sans toi. Mais t'as du courrier, petit veinard. Répondit du tac au tac le policier, en lui tendant une télécopie.

Il parcourut avec attention le document: une demande de remise de peine, contre service d'intérêt public. La nature des susdits services n'étaient pas clairement précisé, mais Riekann se doutait que c'était une façon administrative de lui annonçer qu'il entamait une carrière prometteuse d'indic'.

Il chercha, en bas de page, les rédacteurs du document, et reconnue l'une des signatures. Il releva la tête, et demanda au gardien:

Ma femme est ici? Je vais pouvoir lui parler?

Hahaha! T'emballe pas Roméo, la loi est la loi! T'attendra ton coup de fil comme tout le monde. Pas d'autre question?

Ca devrait aller. Répondit le timonier, en se réétalant sur son banc.

Je viendrais bien te border ma jolie, mais le commissaire passera au parloir pour faire un brin de causette avec toi, ça me ferrais mal de te réveiller...


Puis le maton s'en alla, aussi vite qu'il était venu. Karl, lui, avait déjà repris sa léthargie.