Un vol sans histoire

L'agent mena Riekann à travers une bonne partie du bloc de détention, avant de le mener dans une petite salle sans fenêtre, éclairé par un unique néon vieillissant. L'agent ferma la porte, et l'attendit derrière.

Sans hésiter, Karl se précipita vers le vieux téléphone mural. Ses doigts glissèrent le long du clavier digital, composant le numéro privé de sa compagne. L'indicateur de tonalité bipait. Il ne savait pas trop ce qu'il allait dire, comment allait réagir Elize. Lorsque quelqu'un au bout du fil décrocha, et qu'une voix familière répondit par un simple "allo", Karl remarqua qu'un compte à rebours s'enclencha sur l'écran poussiéreux. 5 minutes.

Après de courtes, mais non moins émouvantes retrouvailles téléphonique, le timonier essaya de prendre le plus de renseignements possible sur son entourage: l'affaire n'avait pas été médiatisé, sûrement pour éviter toute publicité supplémentaire aux Rasoirs Sanglants. Elize était parvenu à expliquer , sans rentrer dans les détails, l'affaire à sa famille. Nassana avait été envoyé en "vacances anticipés" chez la soeur de Karl, dans les banlieux résidentielles de la ville. L'équipage de l'Hermès, qui terminait les réparations, n'avait pas été inquiété, et Pressly, qui disposait d'une qualification petit tonnage acquise à l'armée, s'occuperait de commander le vaisseau en son absence.

Karl était ainsi rassuré. L'affaire ne déborderait pas sur ses proches. Au fil de la discution, Karl fit l'erreur de lui avouer qu'au vue des éléments de l'enquête, il s'en serait sûrement bien sorti même sans l'arrangement, selon son avocat.

Mon dieu. C'est pas du tout ce que m'a dit Gimson! Je suis désolée! S'écria-elle, horrifié.

Oublie ça. Tu pouvais pas savoir... Quelle bande d'enflure. Il regarda le compte à rebours: guère plus d'une minute.

Il souffla, et commença d'un ton étonnamment calme:

Bon, maintenant que je suis dans de beaux draps, va falloir que je fasse avec. Mais si les Rasoirs découvrent que je suis indic, je serais pas le seul à déguster. Quitte le coin.

Quoi? Mais...

Tu prend Nassana, tu fait ton sac, Pressly te fait monter dans l'Hermès, et tu pars pour Tarqeq. Une fois à Paliaaq, contacte Isoroku Yamamoto. C'est un vieil ami, un armateur privé. Il a de bons contacts chez Brightmann et la TEC pour que tu puisse t'installer quelque part et travailler. Reste discrète, et évite de te faire remarquer par la TSC.

Et toi?

Je fais au plus vite, et je vous rejoins, promis. Embrasse la petite, je t'...

Votre temps de communication est atteint. Merci d'avoir utilisé notre matériel! Coupa une voix métallique "enjoué".

L'agent revint le chercher, et le raccompagna à sa cellule. Yamamoto était l'un de ses anciens commandants, un officier brillant reconverti dans l'armement de navire, et l'un de ses clients réguliers. Il connaissait beaucoup de monde sur Tarqeq, et nul doute qu'il trouverait sans difficulté un poste pour une ingénieure comme sa femme dans n'importe quel compagnie. Entre les compagnies mineures, la TEC, et les laboratoires d'armements de Brightmann, les compétence d'Elize et son passé à la TSC devraient en intéressé plus d'un. Et surtout, Yamamoto partageait avec Riekann une certaine méfiance envers les Corporation: il n'enverrait pas Elize n'importe où.

Dans deux jours, il serait jugé. Il savait également que dans moins d'une semaine, il serait lâché en sous-marin dans les coins les plus dangereux d'Himalia. Il se recoucha sur sa paillasse, et tenta d'énumérer les quelques bons conseils apprit durant son passage dans la Flotte.

Les deux journées passèrent lentement pour Riekann. Coincé entre la cellule d'un camé tentant d'installer un réseau de drogue et un simplet qui se frappait le crâne contre ses barreaux en hurlant, il tentait de dormir. Oh, bien sûr, le maton avait essayé la douche froide à coup de lance incendie, et même des coups de matraques électriques. Les coups de 500 000 volts l'avaient calmés, pour sûr, mais seulement une dizaine de minutes. Après, il reprenait ses hurlements, une fois de plus. Tous avaient renoncés, et faisaient autrement.

La veille de son procès, comme l'avait annoncé l'officier Gimson, Elize pu rencontrer son mari. Dans un état de semi-conscience - ils n'avaient transférés le simplet à la cellule psychiatrique que dans l'après-midi - leurs retrouvailles furent tendres et émouvantes. Elle lui annonça que Presly les ferait partir demain, peu après le procès, loin d'Himalia ; qu'elle avait déjà pris le nécessaire pour elle et Nassana, et qu'il ne fallait pas s'inquiéter pour elle ; que dés arrivée, elle tenterait de le joindre régulièrement pour lui donner de ses nouvelles. Riekann l'en remercia, et tout en lui caressant l'épaule, songea au procès de demain, puis à son boulot futur. Une demi-heure après, le maton venait raccompagner Elize.

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- Karl Riekann, vous êtes accusés de trafic de stupéfiant de classe A, ainsi que de complicité avec un preneur d'otage. Vous avez la possibilité d'être représenté par l'avocat ou personnalité de votre choix, et si vous n'avez les moyens, un avocat commis d'office prendra votre défense. À l'issue de ce procès, vous pourrez faire appel et casser le jugement. Mesdames, Messieurs, veuillez vous asseoir !

Un léger bruissement indiqua que l'audience s'était exécuté. Il n'y avait pas grand monde dans la salle, à peine une poignée de journaliste à la recherche d'un article de douzième pages, quelque badauds ennuyés, les familles des policiers morts ou hospitalisés. Elize, inquiète, était assise au second rang, sans Nassana. Karl tourna le regard, et depuis le box des accusés, il vit son avocat, en intense discussion avec le procureur - qui tenait un formulaire familier - et trois magistrats, en tenues impeccable. Le premier des trois fit un signe à l'adresse du Maître van Kaarp, qui alla discrètement s'asseoir. Les trois attendirent que le silence s'installe avant de commencer.

- M. le Procureur, veuillez vous lever et nous présenter votre plaidoirie.
- M. Riekann, le gouvernement vous accuse d'entrave aux forces publiques, de trafic de stupéfiants de classe A, de complicité dans la mort de cinq agents dans l'exercice de leurs fonction, de dégradations des biens publiques, d'outrage aux mœurs, désordre publique, complicité avec un gang, etc... L'ensemble des charges est contenu dans le dossier. Nous requerront, au vu des preuves, une amende de 2.500£ et un retrait de licence.

Il y eut un bruissement d'étonnement, que le magistrat calma rapidement

- Ainsi qu'une remise à niveau par un stage chez les forces de l'ordre.

Façon poétique pour dire : une armoire va t'apprendre à devenir invisible à coup de pompe dans le cul.

- Avocat de la Défense, désirez-vous nous présenter votre plaidoirie ?
- Non, votre honneur, nous sommes satisfait de la peine présenté par M. le Procureur.
- Moi, j'ai quelque chose à dire espèce de ...

En effet, Elize avait "quelque chose" à dire...

Et moi je vous demande de vous taire, ou je vous fait embarquer pour outrage à la justice! Coupa sèchement le procureur. Il désigna deux agents, Messieurs, escortez moi ça dehors.

Ne vous dérangez pas pour moi, je m'en vais. C'est un simulacre de justice! Où sont les vrais coupables? Le malade qui a pris mon époux et deux policiers en otages? Les gangsters qui ont massacré les policiers? Vous ruinez la vie d'un... Termina-elle d'un dans un souffle étouffé, tandis qu'un policier, l'air désolé, lui plaquait sa main sur la bouche, et la tirait vers la sortie.

Passablement énervé, le juge se tourna vers Karl une fois la "forcenée" évacué manu militari.

Vous êtes sur de n'avoir plus rien à dire M. Riekann?

Je vois qu'on a déjà pris une déçision pour moi. Pas la peine de gaspiller ma salive.

Le procès continua, et la peine requise fut annoncé après une courte attente. Plutôt expéditif pour de si graves chefs d'accusation. A l'ordre du juge, le timonier se leva, pour entendre la sentence.

La Cour vous reconnaît coupable d'entrave aux forces publiques, de trafic de stupéfiant de classe A, de complicité dans la mort de cinq agents dans l'exercice de leurs fonction, de dégradations des biens publiques, d'outrage aux mœurs, désordre publique, complicité avec un gang, de complicité dans le cadre d'une prise d'otage, et vous condamne à une amende de 2500£, au retrait immédiat de votre licence de pilote, et à une période de remise à niveau au service de police judiciaire du Commissariat Central d'Halia, sous les ordres du commissaire Stephan Derrick.

La défense souhaite-elle faire appel de cette déçision?

Non, votre honneur. Répondit à la suite l'avocat de Riekann.

Joli mascarade de procès. Van Kaarp ne lui avait pas même demandé son avis. Les cartes avaient été distribué à l'avance.

Il était abattu. Non pas par la peine en elle même, il s'y était préparé, mais quand à la reconnaissance des chefs d'accusation. En quelques seconde, il passait d'un casier vierge à un quasi-fichage au grand banditisme.

La défense a elle des questions?

Non, votre...

Fermez là vous. Commença Karl. Il se tourna vers le Juge. Votre honneur, je suis timonier et officier indépendant de la marine marchande: cette licence, c'est mon outil de travail, mon gagne-pain!

Il fallait y penser avant jeune homme. Vous avez été déclaré coupable d'un délit, trafic de stupéfiant, dans le cadre de votre "travail", la loi est la loi. Vous pourrez tenter d'obtenir une nouvelle licence une fois la période d'interdiction de 1 an expirée.

Et mes qualifications? J'ai les qualifications nécessaire à l'obtention de ma licence, ainsi qu'une série de qualification parallèle obtenu lors de mon service.

Elles seront reconduite lors de l'obtention d'une nouvelle licence selon les souhaits de l'examinateur. Autre chose?

Avec un casier pareil, je trouverais jamais de poste dans l'aérospatiale... Serait-ce possible d'effacer la condamnation du troisième bulletin de mon casier judiciaire?

Demande refusée. L'effacement dans le cadre d'une affaire criminelle pourra se faire lors d'une audience ultérieure après une période de 2 ans sans nouvelle condamnation ou en cas de réhabilitation. L'audience est levée.

Karl acquiesca, et fut ramené au poste. On le mena dans les bureaux de la Judiciaire, où l'attendait un vieil homme de grande taille, portant un long pardessus et des lunettes sans âge. Il s'avança vers lui, et lui serra la main avec une vigueur étonnante pour son âge:

Bienvenue M. Riekann. Je suis le commissaire Derrick.

- Je suis chargé de votre nouvelle formation en tant qu'agent de terrain. D'ordinaire, on place ça sur plusieurs mois, mais là, l'affaire semble urgente : dans trois jours vous serez lâchés sur le terrain.

Riekann acquiesça lentement, désintéressé. Depuis l'annonce du verdict, et les conséquences sur son job, le timonier paraissait... vidé.

- Vous inquiétez pas Riekann. Faites du bon boulot, impressionnez les, et votre casier serait aussi vierge qu'avant.
- C'est bien ce qui m'inquiète, de les impressionner...

Le commissaire ne sembla pas entendre, et l'invita à la suivre. Tout du long, il lui expliqua les principaux protocoles à respecter. Proche du dogme religieux, Riekann devait, à la fin de sa formation, les *comprendre*.

- C'est une question de survie Riekann ! D'ordinaire, on vous aurait un peu abîmé le visage, collé une prothèse ou deux, et changé d'identité, mais là, votre identité est connue de Torrens, et vous devrez la garder. N'acceptez jamais une de leurs propositions, restez toujours en dehors des coups fumeux, ne consommez pas de drogues, votre rôle se résume aux " 3I" : Infiltrez le réseau, Interceptez les informations, Informez vos supérieur. Le but, c'est que vous approchiez suffisamment la tête pour repérer qui fait tourner l'affaire. La bête est prudente, elle bouge rarement de sa tanière. Vous vous ferez introduire par Torrens : il vous connaît. Par lui, vous trouverez qui commande ces hommes, et vous nous transmettrez ce nom.
- J'ai marqué dans ma déposition que je lui ai tiré dessus.
- Et alors ? Dites lui que votre procès s'est mal passé, que vous êtes en cavale, que vous avez besoin d'aide et que vous vous excusez ! Vous improviserez, avez votre formation de pilote, ils seront très intéressé de pouvoir vous faire conduire leurs trafics.

Les journées suivantes furent très longues. Du fait de sa faible formation militaire (principalement le maniement des armes de poing, et du combat en milieu fermé), ses instructeurs renoncèrent à d'autres armes que le pistoler, léger au lourd, et du pistolet mitrailleur. A la fin de son instruction, il reçu une arme de services, standard. Sa remise à niveau en combat, autant à l'arme à feu que blanche, s'accompagna de cours théoriques sur l'infiltration, les poses à adopter, la hiérarchie présumée des rasoirs, leurs modes opératoires, et même une simulation de trafic inter mafieux.

Après ces trois jours intensifs, le commissaire Derrick l'informa qu'il s'en était plutôt bien tiré, et qu'il serait lâché prochainement dans les bas quartiers

Suite de Riekann

Suite de Samuel Torrens