Pas d'ambitions ?

Albert contemplait le résultat de plusieurs mois de travail ,de lui et de ses collègues, par delà la baie d'observation : Brightmann avait lourdement investit pour avoir une salle de tests à la hauteur de ses produits, il aurait été dommage que sa dernière création se retrouve recalée pour un test de sécurité dérisoire.

La voix du pilote d'essai se fit entendre dans les haut parleurs.

-Contrôle Alpha, ici Bêta, test micro.

La responsable des communications griffonna quelques données et répondit.

-Reçu Bêta, commencez check-list.

Le pilote énuméra une liste sans fin de noms de programmes, armes, munitions divers et variés.

Albert s'approcha de la console de communication.

-Bêta, effectuez une session de classe VIII. Armement lourd autorisé.

-Mr Drakov, nous n'avons encore fini la check-list, protesta l'un de ses collègues.

Une voix plus forte que les autres se fit entendre.

-Alors Georges ! Laissez-le faire : si Albert pense qu'une simulation peut être plus révélatrice qu'une check-list faites lui confiance.

-Bien Mr Smith.

Toute l'équipe reporta son regard sur l'engin de leur conception. Résultat de six mois d'efforts et de labeurs, fruit de la coopération de plusieurs secteurs tels que l'armement, la robotique, la cybernétique ou encore l'intelligence artificielle, le Titan Mk-I était la réponse de Brightmann pour les assauts les plus violents ou la défense la plus optimale.

Mesurant près de trois mètres de haut, le Titan Mk-I possédait une forme humanoïde, bien que les bras, où était fixées les armes lourdes, soient plus larges et plus longs proportionnellement.Affublé d'un crâne ovoïde, logement principal des scanners et radars; l'exo-squelette avança dans une des galeries du hangar de tests. Bien que plongée dans le noir, il pouvait, tout comme l'équipe de développement; suivre son parcours à l'aide de ses caméras-infrarouges.
Le pilote d'essai, présent dans l'équivalent de la cage thoracique, continuait d'égrainer les "RAZ" tout au long de son cheminement. Il parvint finalement à une pièce plus sombre.
Se plantant au milieu de celle-ci, le Titan déverrouilla les sécurités et attendit.
La première frappe vint d'en haut. Un robot de forme arachnéenne chuta lourdement sur l'unité. Celui-ci, grâce à ses excellents servo-moteurs, amortit le choc sans aucune difficulté et ni une ni deux, saisit le robot dans l'une de ses pinces....pour lui truffer la carcasse à l'aide sa mitrailleuse lourde incorporée dans son avant-bras.

La journée s'écoula dans une série d'attaques plus ou moins violentes. Finalement au bout de 17 sessions, l'équipe boucla sa série des tests.

-Eh bien on dirait qu'on voit enfin le bout du tunnel, annonça l'un des chercheurs.

Un contentement général approuva la remarque.
Mr Smith prit alors la parole.

-Vous n'êtes pas sans savoir que après-demain aura lieu l'Exposition annuelle des Corporations. Notre projet sera présenté en même temps que des dizaines d'autres créations de Brightmann.

Il sortit une série de pass.

-Ceci vous permettra d'accéder aux parties de l'Exposition réservés aux employés corporatistes.

Il distribua rapidement les pass avant de se tourner vers Drakov.

-Vous avez tous été brillants au cours des six derniers mois, mais je tiens particulièrement à remercier Albert pour son aide dans un domaine pour lequel il n'a pas été recruté d'office.

Des hochements de tête saluèrent la remarque.

-Grâce à votre maitrise à la fois des composants cybernétiques et de l'ajout d'une IA basique, vous avez pu confectionner ce qui fera l'un des points forts de ce produit.

-Merci Monsieur.

-Même si le Titan peut recevoir un obus de gros calibre en plein thorax, le pilote ne pourrait rester conscient à la suite d'un tel choc. Avec l'ajout votre IA "Cybrus" le Titan retournera direct à sa base d'opération si une telle chose survient. Et je ne parle pas de la visée assistée qui s'est retrouvée des plus efficacement rehaussée !

Le Directeur du projet, Mr Smith, continua ainsi pendant près d'une demie-heure, louant le travail de chacun. Personne ne s'était offusqué de la préférence affichée de Smith pour Drakov. Tout le monde connaissait la tragédie qui avait frappée plusieurs familles des employés il y a plus de cinq années, et si Smith entretenait le même genre d'amitié avec Drakov qu'avec feu l'oncle du jeune homme, ça ne gêner personne.

Finalement chacun pris congé, le crépuscule commençant à céder la place à la nuit.

Albert traversa l'énorme complexe de recherche de Brightmann pour atteindre l'entrée principale. Celle-ci débouchait sur une grande esplanade ornée de plusieurs statues sur chaque côté.
Le jeune homme jouait machinalement avec le pass de l'exposition.

"Humm, j'ai beau avoir pris plaisir à mener à bien ce projet ce n'est pas du tout les résultats que j'escomptais. Si seulement j'avais pu réussir à compresser la mémoire des modules cognitifs, nous aurions eu l'un des premiers vrais soldats-droides...sans avoir besoin de l'un de ses fichus pilotes...peut-être qu'en..."

-Albert Drakov ?

Une voix féminine le tira de ses pensées. Il se retourna; elle provenait d'une silhouette encapuchonnée au pied de l'une des statues qu'il venait de dépasser.

Albert Drakov?

Martha sorti de l'ombre et s'approcha du scientifique: Monsieur Drakov, j'aurais besoin de vos services, si vous voulez bien me suivre.
- Qui êtes vous? que me voulez vous?
- Arf, curieux, comme tous les scientifiques n'est-ce pas? Appellez moi Martha, le reste n'a que peu d'importance. Nous avons entendu parler de vos compétences et j'ai un contrat à vous proposer. Rien qui ne remette en doute votre loyauté envers Brightmann, juste un petit extra, pour nous aider quelques semaines, à 5000£ la semaine et des avantages en nature confortable... Avouez qu'une affaire comme celle-ci ne se refuse pas. Mais n'en parlons pas ici. Retrouvez moi après-demain au bar nommé l'Hamilton, dans les bas quartiers. Et ne faites pas cette tête, vous ne risquez rien. Vous êtes bien entendu libre de ne pas venir, mais je vous déconseille de me poser un lapin. Bien évidemment, je compte sur votre discretion. Bonne soirée Monsieur Drakov.

Albert croisa ses bras.

-Rien que ne remette en doute ma loyauté à Brightmann dites-vous ? J'ai peine à croire qu'un emploi des plus douteux que vous me promettez ne soit ni à la limite de la légalité, voire carrément illégale, ni en lien avec une quelconque Corporation.

Martha se rapprocha d'Albert.

-Monsieur Drakov comme je viens de vous le dire ne comptez pas sur moi pour vous donner d'autres renseignements avant après-demain soir...

Drakov leva rapidement sa main droite et saisit délicatement le menton de son interlocutrice. Celle-ci étant légèrement plus petite que lui, il souleva sa tête pour lui faire croiser son regard.

-Qu'est ce ? La Division Interne ? Les Renseignements ? Les Forces Spéciales ? Si vous appartenez à ceux-là et que je vous cherchez à me tester c'est raté.

Une douleur fulgurante parcourue son avant-bras et son poignet. Martha venait de riposter par une prise d'art martial. Albert massait sa main meurtrie.

-Ne posez plus vos mains sur moi sans permission, Drakov...Je vous le dis une dernière fois : venez au rendez-vous si vous voulez des renseignements.

Elle ajouta avec un petit sourire :

-Il serait dommage que vous soyez le seul de tous ceux que j'ai rencontrés qui doive être puni.

-"Tous ceux" ? Nous serons donc plusieurs ?

Martha recula et son sourire s'effaça, elle en avait manifestement déjà trop dit pour ce contact.

-Et bien il est temps que je vous laisse Monsieur Drakov.

Elle fit volte-face et disparue dans la foule.

Tout en se rendant à son appartement, Albert ne put s'empêcher de songer très sérieusement à cette entrevue : le contact de la peau de cette Martha lui avait paru très doux...Mais si c'était une enquête interne ? Ce ne serait pas la première fois que pareille chose se produirait. Surtout à Brightmann.

Au moment où il avançait dans le couloir menant à son logement, une chose lui fit perdre toute réflexion. Un individu attendait, accoudé contre le mur près de sa porte d'entrée.

-Ah ben tiens ! C'est toi ! Comment vas-tu....

Il ne finissa pas sa phrase, une main grosse comme celle d'un ours le saissant et le soulevant du sol.

-Lâche monsieur, Al...

-Okay boss.

Le gorille le reposa à terre.

L'individu précédemment accoudé serra chaleureusement la main d'Albert.

-Alors comment va ?

Albert devait beaucoup à cette personne : lieutenant de la mafia, Joe était celui qui lui avait évité une sacré raclée qui aurait pu valoir quelques greffes à Albert.

-Comme un charme....à part qu'une femme plus mystérieuse qu'un quasar vient de donner un rancard.

Joe paraissait amusé.

-Un scientificard comme toi ? Dois être désespérée....

Albert fit entrer Joe et son homme de main tout en lui racontant l'histoire en détail.

-Ok je vois....t'es pas sûr que se soit une enquête interne ou un rendez-vous galant ou encore un piège pour te racketter.

-Je crois que vous pouvez retirer le rendez-vous galant boss.

Albert foudroya le dénommé Al.

-Bon j'ai une proposition à te faire : tu m'optimises la visée de ces quelques flingues qu'on a récup dans notre dernier coup et je t'offre une protection suffisante dans deux jours. Ou mieux : tu restes chez toi et je te fais surveiller par une de nos équipes. Après tout t'as des talents appréciables pour Don Torino et la famille, sûr qu'on voudrait pas te perdre.

Albert était quelque peu soulagé ; il connaissait la réputation de la mafia issue de la Cosa Nostra terrienne, la famille Torino avait des parts dans toutes les grandes corporations et le bras long.

-Bon merci bien, tu pourras récupérer tes armes demain à midi

Après avoir raccompagné Joe et son homme de main, Albert prit une douche et se mit à l'œuvre. Le gorille passa chercher les armes le lendemain comme convenu et Albert Drakov profita de sa journée pour aller repérer le bar où il se rendrait demain.

Ne s'aventurant pas à l'intérieur, il nota les deux seules entrées possibles pour le public et l'existence d'une ruelle étroite pour le service. Bien qu'étant dans les bas-quartiers, il ne paraissait pas excessivement sale ni lugubre.

Ceci fait, Albert Drakov rentra chez lui profiter d'une bonne nuit de sommeil.

Il partit dans la matinée pour le rendez-vous, accompagné dudit Al et de deux autres mafieux habillés de façon la plus commune.
Albert nota que même dans ses conditions, trois costauds accompagnant un homme svelte comme lui ne passeraient pas inaperçus en rentrant dans le bar.
Al fut de son avis et laissa les deux autres rentrer avant eux pendant que lui et Albert attendaient au bout de la rue.
Quand cela fut fait, ils s'avancèrent à leur tour et pénétrèrent dans l'Hamilton.

Mike marchait d'un pas pressé dans une rue mal famée de Mneme. Il jetait des regards anxieux aux alentours, il semblait complètement déstabilisé.
Comment avait elle put le retrouver dans une de ses planques et en savoir autant sur lui et ses activités ? Alors qu'il était en train de tout retourner dans sa tête, les erreurs qu'il avait pu faire ces derniers temps, pris dans ses pensées, il percuta un passant. Il s'excusa et repris son chemin.
Il avait brulé la planque où elle l'avait trouvé avec tout le matériel, mais si elle l'avait trouvé une fois il ne doutait pas qu'elle puisses le refaire... Il envisagea de quitter Mneme, pourquoi pas pour Himalia...

Il s'arrêta devant un vieil immeuble décrépi, cela faisait longtemps qu'il n'était pas venu ici et il se demandait toujours comment cet immeuble pouvait encore tenir debout.
Il s'approcha de l'entrée et poussa la porte qui s'ouvrit dans un grincement sinistre. Le corridor était jonché de détritus en tout genre et les murs étaient rongés par l'humidité. Il monta au premier étage, s'approcha de l'appartement n°8 et donna deux coups secs sur la porte.

Une voix grave répondit à ses coups :

« -Qui est là ?

-C'est moi Mike ! Tu te souviens ? Je t'ai aidé à te sortir de tes embrouilles il y a un an environ.

-Tu me veut quoi ? Je me suis rangé moi, les embrouilles j'en suis plus...

-J'ai besoin de deux trois renseignements, tu t'es peut-être rangé mais, personne n'a un aussi bon réseaux de contact que toi.

La porte s'ouvrit, laissant apparaître un homme dans la cinquantaine, assez petit dans le mètre cinquante environ, cheveux gris coupés cours, un petit sourire en coin.

-Tu sais, beaucoup sont morts... Mais bon on va voir ce que je peux faire, mais ne parlons pas de ça dehors vient entre. »

Il rentra dans la pièce principale de ce petit appartement. Pendant que son hôte fermait la porte et les verrous qui la sécurisait... Ce qui sembla bien ridicule aux yeux de Switch pour qui une porte rongée par les mites n'arrêterait sûrement pas un homme déterminé à entrer. Mais il ne releva pas ce détail qui aurait pu mettre en rogne Jon.

« -Alors, dis-moi... pourquoi as tu besoin de moi exactement, que t'arrives t-il ? Tu ne serais pas venu me voir si ce n'était pas grave... Mais avant toute chose, la retraite dans mon milieu est faible et subvenir à mes besoins devient de plus en plus dure, puis-je espérer une petite récompense pour mes services ?

-Tu n'a pas changé... Tient voici 100£ tu n'auras rien de plus. Maintenant dis moi as tu déjà entendue parler d'une certaine Martha ? Une femme bizarre et assez discrète qui à mon avis ne trempe pas que dans des affaires louches...
Elle est venue me voir hier soir, elle a trouvé ma planque et m'a demandé de la rejoindre demain au bar l'Hamilton, dans les bas quartiers.

-Hum ça ne me dit rien... Laisse-moi la mâtinée je vais aller voir deux trois contact qui pourrait nous aider.

La mâtinée passa lentement dans l'attente du retour de Jon... puis la porte s'ouvrit et il entra.

-Alors, tu as trouvé quoi ?

-Rien, strictement rien... personne n'a jamais entendu parler de cette femme et ça, c'est pas normal. Quand quelqu'un trempe dans les magouilles ici, mes informateurs le savent. Si j'étais toi je me méfierais...

-Tu me conseillerais quoi ? De ne pas aller à ce rendez-vous ?

-Disons que si tu n'y vas pas on peut penser que comme elle t'a déjà retrouvé une fois elle pourra le refaire et là ça ne se finira pas forcement bien pour toi.

-Mouais... j'ai pas bien le choix alors ?

-Non effectivement mais, tu peux mettre toutes les chances de ton côté. Pour 100£ de plus je me posterai au bar quelque table plus loin et interviendrait s'il le faut...
Tu peut passer la nuit ici. »

La fin de la journée ce passa sans accroc, Mike s'habituant peut à peut à l'odeur pestilentiel des lieux. Le lendemain au moment de partir Jon lui tendit une arme, c'était un Colt AMT-9, un ancien modèle plus produit à ce jour mais, jouissant d'une certaine réputation parmi les petits truands pour son bas coups et sa fiabilité.

« -Sers-toi en si tu vois que sa dégénère, j'espère que je ne vais pas avoir besoin de t'apprendre à t'en servir si ?

Mike tourna la tête vers Jon et lui décocha un petit sourire.

-Bien sûr que je sais m'en servir. »

Jon partit rejoindre le bar une demie heure avant histoire de ne pas se faire repérer. Mike quitta le bâtiment et se dirigea vers le lieu de rendez-vous en marmonnant :

« -Je sens que je suis en train de faire une grosse connerie... »

La zone dite des "Bas-Quartiers" était ancienne, très ancienne. Ce n'était pas le coin le plus mal famé de Mnemosyne, mais ce n'en étais pas loin. On raconte qu'autrefois, dans les débuts de la colonisation, ce coin passait pour être une une zone touristique luxuriante, avec hôtels et promenades. Aujourd'hui, ce n'est pratiquement plus qu'entrepôts, sites industriels et taudis. Perdu parmi les quelques bâtiments d'antant qui subsistent, un bar fait l'angle. Il ne bénéficie d'aucune pub, et n'était même pas présent dans l'annuaire il y a deux ans. Il n'attire ni les gosses des rues, ni par les grosses huiles de la pègre et n'est pas fréquenté par les Corporates férus de repas d'affaire. Ce n'est pas un point de chute pour les gangs non plus. C'est un bar d'indépendant, des professionnels de tout et n'importe quoi, vendant leurs compétences, et cher.

"Martha" était assise à une des tables du bar. Écoutant tranquillement le groupe sur la scène, tout en sirotant son double Jack Daniel’s. Dans environ une heure, le hacker et le petit corporate seront là. L’ambiance avec tous ces pros allait être hilarante, mais cela ne dérangeait pas Martha que ses « employés » soient mal à l’aise. Bien au contraire.

Miteux....c'est le mot qui vint à l'esprit d'Albert....un bar miteux. Le genre qui ne plaisait à personne, sauf pour ceux qui souhaitaient mettre mal à l'aise leurs interlocuteurs.....

Au moment de rentrer, Al lui tendit un petit couteau, le genre passe-partout facile à dissimuler.

-...le boss veut que vous soyez armé...

-Ah merci...

Albert rangea le couteau dans une de ses bottes.

-...le boss veut aussi que je m'arrange pour avoir l'air crédible, désolé..

-Pourquoi déso....

Un coup de poing en pleine figure lui apporta la réponse.

-Mais ta gueule petit merdeux ! Tous pareils ces gringalets ! beugla Al.

Il piétina Albert qui était au sol, avant de se diriger vers le comptoir.

Albert marmonna :

-Me piétiner n'était peut-être pas indispensable, tas de muscles..

Après s'être épousseté et devant l'indifférence générale, il s'avança dans le bar et chercha du regard un signe de Martha.

Celle-ci se tenait à l'une des tables proches du comptoir et lui faisait un signe avec le doigt, d'une façon tout à fait méprisante, tout en sirotant sa boisson.

Mike arriva devant ce qui s'avérer être le bar, enfin le bar un bien grand mot pour ce qui ce dresser devant lui...

Il passa la porte chercha du regard son acolyte qui lui fit un signe de tête discret tout en continuant à boire.

Il sonda du regard le reste de la salle à la recherche de la fameuse Martha et la trouva autour d'une table accompagnait d'un inconnu.

Il hésitait encore sur la marche à suivre et s'il ne valait pas mieux filait tant qu'il le pouvait, mais elle le remarqua et lui fit signe de venir s'asseoir...

Mike marmonna pour lui-même :

« -Et bien il me semble que je n'est plus bien le choix ... »

Il s'avança et s'assit à la table, un faux sourire sur le visage :

« Et bien me voilà... je peut enfin savoir pourquoi vous m'avez fait venir dans ce trou a rats ? »

Ça va monsieur Drakov, pas trop mal? demanda Martha, rieuse. Il ne faut pas se laisser marcher sur les pieds vous savez, les gens d'ici jugent vite, pour eux, vous êtes déjà dans la classe inférieure, ceux qui ne méritent pas leur attention, et ce balourd, là-bas, et bien, c'est un cadavre en puissance. Ce genre de chose fait tiquer le patron voyez vous, et tout le personnel est composé de vétérans démobilisés... Eux et les gens du coin ne sont pas très patients. Les trois quart sont mercenaires-vétérans, les autres sont des experts monnayant leurs compétences, et les derniers sont des agents recherchant une équipe spécifique pour un boulot spécifique. Comme moi.

J'ai donc un boulot, pour vous deux. Il n'est ni nécessaire, ni dans mes habitudes de crier le nom de mes employeurs. La paye est bonne, 5000 à la semaine pendant que vous bosserez et une prime si tout se passe bien. Voyez-vous, il se trouve que mes employeurs sont à la recherche de matériel militaire. Et ont payé le prix fort pour avoir quelques infos sur un projet secret, nommé, comment déjà? ah oui, Titan. Je sais que cela vous dit quelque chose Monsieur Drakov.
Bref, mon employeur aurait besoin de quelques plans et données, si vous voyez ce que je veux dire. Et ne froncez pas les sourcils M.Surbringer, mon client n'est pas une corpo. Bien que cela ne sois pas nécessaire de vous détailler ce point. Allons! Ne faites pas cet tête M.Drakov, vous êtes un homme intelligent, vous avez tout à y gagner. Qui irai en effet penser qu'un homme respectable comme vous irait vendre des plans, pas vrai? Mais il est également vrai que personne ne vous soupçonnerait de faire des extras pour la pègre. Bon, revenons à nos moutons. M.Drakov vous vous débrouillerez pour récupérer ces plans avec l'aide de M.Surbringer. Il est évident que vous risquez d'avoir du mal à les imprimer et les emporter, mais M.Surbringer ici présent est très doué pour utiliser quelques programmes délicats.

Débrouillez vous comme vous voulez, mais je pense qu'une intrusion brutale dans les bases de données de Brightmann, oui M.Surbringer, M.Drakov est un homme plein d'avenir chez Brightmann, donc je disais qu'en cas d'échec, votre espérance de vie risque de chuter. Mais quelqu'un peux bien vous ouvrir la porte, si vous voyez ce que je veux dire. Prenez votre temps, vous avez un mois, la paye est bonne et vous aurez probablement une prime si l'employeur est content. Bien sûr, je me servirais moi aussi dans une éventuelle prime. Et pas la peine d'essayer de me doubler. Ce serait stupide. Toutes nos rencontres auront lui dans ce bar, donc les habitués nous fournissent plus de protection que nécessaire, bien que cela ne soit pas vraiment volontaire. J'ai de quoi vous contacter, alors ne vous étonnez pas. Qu'en pensez-vous? Il y a de l'oseille à faire et c'est pas plus risqué que de bosser pour la pègre ou pour le premier mec venu voulant mystérieusement vider son casier judiciaire.

Pendant la tirade de la belle, Albert avait détaillé quelque peu l'endroit et repéré les deux mafieux attablés à une des tables non loin.

Une fois la pseudo 'offre d'emploi présentée, Drakov se leva calmement et s'approcha de la blonde.

-Mais dites moi, mademoiselle.....me prenez-vous pour un pigeon ? Pensez-vous m'intimider en parlant de liens quelconques avec quelques mafieux ?

Il se pencha, les deux mains jointes dans son dos, et rapprocha son visage de celui de Martha à moins de quinze centimètres.

-Alors par où commencer ? Tout d'abord le projet Titan ; j'ai passé six précieux mois de ma vie à ce projet. Et je pense être celui de toute l'équipe de recherche qui en a le plus fait pour le concrétiser. Il y a même plusieurs des composants et programmes entièrement fait par mes soins.

Dix centimètres.

-Et vous me demandez de vous aider à voler les plans ? Alors soit votre employeur vous a mal choisi soit il n'est pas très malin : même si Brightmann garde le contrôle de tout ce que je crée via les clauses de mon recrutement, cela dit en passant c'est tout bon pour mon avancement, je suis tout à fait apte à recréer le projet Titan de moi-même sans avoir à contrefaire celui de Brightmann. Votre employeur aurait pu me contacter, et avec une petite équipe et un peu de matériel il aurait eu son propre projet.

Cinq centimètres.

-Et pour tout vous dire mademoiselle, on peut me marcher dessus, me piétiner ou m'écrabouiller le visage....je finis toujours par prendre ma revanche.

Il gratifia Martha d'un baiser furtif avant de se redresser.

-Ceci était ma vengeance pour avant-hier.

Un homme à la table voisine émit un petit sifflement admirateur. Décontenancée, Martha décida de jouer le jeu de l'ingénieur pour ne pas perdre la face:

- Oh, mon bichon, je ne peux croire que tu veuilles déjà me quitter. Ça me brise le cœur mais je ne t'oblige pas à rester, bien au contraire. Toutefois soit conscient que je suis une femme très jalouse et que je m'assurerai personnellement que tu te taises (sort un flingue qu'elle caresse amoureusement) mais ne t'inquiète pas, je ne veux pas de scène de ménage en public.

Les rires éclatèrent dans tout le bar. Personne ne savait de quel genre de contrat il était question, mais tout le monde avait vu le ptit nouveau voler un baiser un Martha, et le sens des propos de cette dernière n'échappait à personne.

- Tu es vraiment sans cœur Albert! Mike au moins, c'est un homme, un vrai. Acheva t-elle en se rapprochant de l'informaticien sous les yeux des clients hilares.

Albert, pas décontenancé d'un poil, avait suivi des yeux le flingue de Martha. Il priait pour que les deux gorilles attablés ne sortent pas leurs flingues maintenant. Et malheureusement un type sortit le sien en le poitant vers Martha. Albert l'entendit grommeler un truc comme "putain Mike....trop dangereuse...."

Le barman gueula quelque chose avant de se pencher pour sortir son fusil à pompe de sous le comptoir.

Ce fut à ce moment que Al passa à l'action. Passant le bras par dessus le comptoir il choppa le tenancier par le cou et il fit lâcher son arme. Puis il le bloqua et lui calant son propre flingue sur la tempe.

-Ok les gars la fête est terminée....

A ce signal les deux mafieux bondirent également de leur table et se mirent dos à dos. Ayant chacun une flingue dans une main, ils tenaient le reste de la salle à l'œil.

Le hacker n'avait pas l'air très surpris de la tournure des évènements et Albert lui enviait cette maitrise de soi-même à ce moment précis. En y réfléchissant bien, si il s'était calmement dirigé vers la sortie, Martha lui aurait collé une balle entre les omoplates.

Martha se contentait de tenir son flingue d'une main, son regard allant de Albert à l'individu la tenant en joue et sur les deux balourds dos à dos.

-Et bien Mr Drakov...se sont vos amis de la pègre ?

-Pas le type qui vous tient en joue et dont je ne réponds pas.....

Elle soupira.

-Et bien soit vous pouvez sortir par la grande porte....je doute de toute façon que la poubelle aurait pu suffire...

Al tenant toujours en otage le tenancier vit un geste à ses hommes et à Albert.

-Et bien je crois que je vais y aller. C'était une expérience agréable pour
tout dire.....ma chérie.

Et il accentua ses derniers mots d'un ton amusé et méprisant avant de se diriger vers la sortie du Hamilton.

De la sueur commençait a perler sur le front de Mike... Les choses prenaient la pire tournure qu'il est imaginé. Albert marcher tranquillement vers la sortie, Mike lui ce demandait ce qu'il aller bien pouvoir faire pour se sortir, au moins vivant, de cette situation épineuse. Jon avait merder son intervention allez très certainement leur couter la vie a tous les deux.

Mike faisait sont possible pour avoir l'air le plus calme possible, afin de ne pas perdre l'initiative...

Il se leva, passa la main dans ses cheveux d'un air gêner...

« -Il semble que pour un premier rendez-vous ça ne ce soit pas passé à merveilles, hein ?

Cependant, votre offre et surtout sa paye, arrive à un moment ou les affaires sont plutôt calme ainsi je ne peux résister quand on me demande d'aller embêter les Corpo, enfin si votre offre tient toujours malgré le départ de M.Drakov...

Au vu de ce qui sait passez je demanderais plusieurs choses, laisser partir vivants le vieux type qui vous braque et ne cherchais pas à vous en occupez plus tard. Pour parler des modalités de ce contrat et me donnait plus d'information c'est moi qui vais fixer le prochain rendez-vous : demain 21h à l'opéra Farinelli, vous me trouverez dans un des balcons privé. »

Sur ces derniers mots il fit signe à son ami de sortir.

« -Mais... mais... Mike tu fais quoi la ?!

-T'occupe, sort rentre chez toi et reprend ta vie de pseudo retraité, tu est hors course à présents. »

Jon commença à avancer fébrilement vers la sortie et une fois arrivé à la porte, il partit en courant.

« -Il me semble que je dois y aller maintenant... Je ne crains pas de me prendre une balle dans le dos ? »

Mike n'attendit pas la réponse, tourna le dos à Martha et ce dirigea calmement vers la sortie, attendant a tous moments à se faire tirer dessus.

Martha sourit, sûrement pas avec de bonnes intentions, mais sur son visage léger, ce sourire était frais et rassurant. Elle se leva posément et pointa son arme obligeamment vers Al qui, Drakov sortit, relâcha le tenancier. Méfiant, lui et ses deux hommes quittèrent prudemment les lieux. Ils ne rengainèrent que deux cents mètres plus loin, hors de vu de l'Hamilton.
Martha, quant-à-elle, souriante, finissait son double Jack Daniel’s

******************

Le soir était tombé depuis quelques temps sur Mneme. Les grandes baies vitrées des plus hauts grattes-ciels flamboyaient des derniers éclats de la lointaine étoile en irisant lentement le ciel de couleurs incandescentes. Albert, distrait par sa rencontre de l'Hamilton, coulait des pensées sombres en empruntant les couloirs de son immeuble. Sa concentration était telle qu'il faillit ne pas reconnaître Joe, désinvolte, accoudé, et seul.

- Ah, Albert ! Ça me fait plaisir de te revoir. Non, vraiment ! J'ai appris que la rencontre a été corsée, mais je suis ravi de te voir intact. Alors, dis moi, qu'est-ce qu'elle te voulait cette belle inconnue ?

Albert raconta vite fait une histoire bidon, avec la famille Torino qui possédait des parts de Brightmann, il n'avait pas envie de se voir expédié loin de son projet si les Torino, par peur d'un manque de loyauté, ne le fasse muter....ou pire.

Il conta alors à Joe une histoire de matériel volé à Brightmann, scellé par des codes et des programmes de la société.

-Mais tu n'es pas un hacker ! Pourquoi aurait-elle eu besoin de toi ? demanda suspicieusement Joe.

-Y en avait un de hacker dans ce bar justement, le pauvre je sais pas ce qui lui est arrivé...Pour moi, elle s'attendait à ce que j'accepte de voler certains des programmes qui auraient pu servir comme données de recherches pour les nouveaux codes.

-Et t'as accepté ?

-Bien sûr que non. Je suis pas con non plus, me faire chopper pour un autre aussi con !

-Si tu le dis.....et au fait pas mal ta petite impro sur la blonde !

-Ah...merci.

Deux heures plus tard, Albert Drakov, après une bonne douche, se prépara à partir la fameuse Exposition Annuelle où il était convié.

Ce fut à ce moment précis qu'on frappa à sa porte.

Il jeta un oeil à la caméra situé au dessus de sa porte d'entrée : rien de plus qu'un couloir plongé dans la pénombre et une silhouette encapuchonnée de taille moyenne.

Il appuya sur l'interphone.

-Oui ?

- Bonsoir, M. Drakov.

La voix était belle, posée, et malgré la qualité grésillante de l'interphone, le nom roulait sensuellement dans l'appartement. Surpris, et reconnaissant Martha, Albert réajusta fébrilement son costume dans la glace avant d'ôter les sécurités sommaires et d'ouvrir la porte.

- J'ai appris que vous aviez une petite réception, ce soir, M. Drakov, et je suis certaine qu'un homme de votre stature (elle faisait rouler ses "t" avec un excès non déplaisant) devrait toujours être correctement accompagné pour sa...

Elle sourit légèrement.

- ... promotion professionnelle.

Elle se retourna, laissant glisser l'étoffe de son manteau au sol, et sa chevelure blonde, relâchée, coula sur ses épaules. Son dos, nu, épousait une longue et fine robe du même superbe rouge que ses lèvres. Un serpent noir se logeait sous son omoplate droite. Elle se retourna coquettement, ceignant à son épaule un sac de femme aussi furtif que le tatouage. Avant de le fermer, elle se plaça de telle sorte qu'Albert n'évita pas de remarquer l'arme qu'elle contenait. Elle lui sourit de nouveau, feignit de rougir, et l'invita à la suivre :

- Je n'aimerais vraiment pas vous voir en retard, M. Drakov, après tout ce que vous avez investit dedans.. Et j'aime les hommes au sommet de leur gloire.

"Ah je ne m'attendais pas à celle-là"

-Et bien je ne vois pas comment je pourrai refuser une telle offre, surtout venant d'une personne telle que vous l'êtes.

Albert se glissa a côté de Martha, et tout en fermant son logement, mit son bras droit et le gauche de sa compagne en "bras dessus, bras dessous".

Celle-ci, dont le rougissement, involontaire ou de façade, s'accentua, toléra le contact et le laisse mener le couple jusqu'à l'Exposition.

Ils préférèrent marcher quelque peu, l'Exposition se tenant à quelques lieux d'ici, plutôt que de louer un transport pour la soirée.

Cela laissa tout le temps aux tourtereaux obligés, de converser :

-Qu'avez vous en tête exactement ?

-Oh ne soyez pas si suspicieux, Albert. Pourquoi n'aimerais-je pas être en votre compagnie, surtout en pareil moment.

-Vous savez que ça ne va se limiter qu'à quelques exposés vulgarisés et à beaucoup de blabla politique ?

-Et surtout à du beau monde, l'Exposition attire toujours les plus grands de Mneme.

-Franchement je ne vois pas le véritable intérêt que vous pourrez tirés de cette soirée ; les plans et données du projet Titan sont dans le complexe de recherches de Brightmann, toujours sous bonne garde.

Elle le fixa alors droit dans les yeux, avec une certaine malice

-Merci des informations, mais il me semble que vous avez vous même indiqué une deuxième source.

-Et qui est ?

-Un charmant jeune homme, un peu frêle et quelque benêt, se tenant à dix centimètres de moi, pas désagréable à regarder....Et qui est en train de rougir aussi.

-Arrêtez, d'ailleurs nous voici à l'entrée.

L'exposition annuelle des Corporations avait lieu au cœur de Mnemosyne, et pour cette année le grand Hall du Museum of Earth History avait été aménagé. Sur près de 8000 m², des centaines de produits de chaque corporation étaient mis en valeur, glorifiés, vitrifiés. Des dernières prouesses technologiques et architecturale, en passant par l'agroalimentaire, les armes et services de tout types, les grands de ce monde venaient ici exposer leurs projets de l'année avec un intérêt double : éblouir le visiteur en affichant la supériorité de la firme vis-à-vis des autres, et récupérer un maximum d'investisseur. Pour ce dernier point, tout était mis en œuvre, avec des démonstrations toujours plus audacieuses, de promesses et de statistiques mirobolants.

Brightmann s'était réservé à prix d'or une allée complète, où les stands de tirs et les simulations de combats faisaient rutiler les formations de leurs agents. Certains représentants de corporations, intéressés, signaient même déjà les contrats.

Albert, sourcillant, aperçu au centre de cette coursive un large porche, encadré de deux masses. Lunettes teintées, costumes encore neuf, les deux gardes contrôlaient méticuleusement chacun des convives. Il présenta rapidement son pass, annonça Martha comme son amie, et sous ses yeux ébahis, il découvrit le prototype du Titan Mk-I au centre d'une arène. Autour, une dizaine de stands affichaient une panoplie d'armes inquiétantes. Le pilote, salué par la foule, commençait déjà à s'installer dans le torse de la machine.

- Mais qu'est-ce qu'ils foutent ces cons !
- M. Drakov, j'ai bien l'impression que cette soirée sera.. divertissante.

Apercevant un collègue un peu plus loin, un sourire de contentement aux lèvres, Drakov se jeta sur lui, et le chopant par le col explosa :

- C'est quoi cette connerie George ? On était censé présenter que des diapositives et des vidéos !
- Calme toi ! (Il le repoussa en arrière et serra le nœud de sa cravate) C'est pas de nous, ça. M. Smith a pensé que ça ne suffirait pas, et qu'il fallait impressionner le gratin avec une petite démonstration en direct. Hé, te fait pas de bile Albert, il arrête pas de répéter que c'est grâce à toi que le projet a été finis à temps, tu devrais plutôt apprécier la promotion qui tombera bientôt ! D'ailleurs, ça va commencer...

Lentement, de lourdes vitres blindés s'abaissèrent de parts et d'autres de l'arène, isolant le pilote et sa carcasse d'acier de la centaine de convives. Les spots s'éteignirent lentement, et bientôt, il ne resta dans la salle que l'arène d'éclairée. Le Titan se tenait au milieu, immobile.

Quatre piliers s'élevèrent alors autour du Titan, hérissées de mitrailleuses lourdes, pistolets mitrailleurs et autres armes à projectiles diverses.

Celle située à la gauche du Titan fut la première à agir, trois rafales de tirs à balles réelles ricochant sur le Titan qui ne bronchait pas. Celui-ci, dans un geste ample mais néanmoins vigoureux, tendit son bras gauche au maximum de son articulation.
Un tir de sa propre mitrailleuse lourde neutralisa la tour.

Une à terre, trois à abattre.

Les trois autres glissèrent le long de rails sortis du sol, tout au tour du Titan.
Leur vitesse de déplacement atteignit très vite celui d'un homme au pas de course. Ce fut par un coup direct à l'aide de ses deux pinces que le Titan, après l'avoir interceptée, en renversa une avant de de bondir sur elle et de la piétiner.

Deux à terre, deux à abattre.

La suite se révéla plus complexe, les deux tours restantes convergeant vers le prototype. Ni une ni deux, il fit un bond de trois mètres avant de retomber lourdement à six mètres de là, les deux tours se heurtant de plein fouet.

Quatre à terre.

En tout et pour tout cette partie de la démonstration avait durée une quarantaine de secondes. Laps de temps pendant lesquelles Martha n'avait cessée de dévisager Albert, passant de lui à l'arène.

Pendant que le Titan continuait d'éviscérer mécaniquement toutes les cibles mobiles ou non qu'on lui opposait, elle se rapprocha de l'ingénieur et lui dit au creux de l'oreille :

-Je me trompe ou vous n'aimez pas cette création à ce niveau précis ?

-Oui....je trouve qu'on aurait pu faire beaucoup mieux avec un peu plus de temps, enlever le pilote par exemple.

-Huuum et si je vous donner le moyen d'y parvenir ?

-Avec l'aide de votre "employeur" ?

Elle se pressa plus contre lui et glissa une main sur sa poitrine.

-Je possède de nombreux atouts personnels....dont certains qui pourraient vous plaire.

-Euh.....

Entretemps la démonstration fut terminée et les lumières furent rallumées. Le directeur du projet, Mr Smith apparut non loin, recevant des félicitations variées et se dirigeant vers le couple.

- Ah, M.Drakov ! C'est un réel plaisir de vous voir ici ! La démonstration vous a plu ? Une belle bête, n'est-ce pas ?

M. Smith regardait, fier, le lourd soldat s'éventrer pour en recracher le pilote. Avec un sourire éclatant, il serra chaudement la main d'Albert, et remarquant Martha, lui fit ses hommages :

- Je vois que vous êtes en ravissante compagnie ce soir, Albert ! Demain, vous êtes libre ? Parfait, j'aimerais que vous passiez à mon bureau, après un tel succès, je suis certain que nous reverrons votre aménagement à la hausse !

Il lui broya de nouveau les phalanges avec joie, et s'en alla féliciter les autres membres du projet. D'ici une heure ou deux, Brightmann recevrait des commandes pour une centaine de ces soldats, formation du pilote incluse. Mais loin du succès de sa corporation, Albert et sa compagne voltigeaient de convives en convives. Tout comme le funambule qui joue de sa vie sur un mince câble, Drakov jonglait habilement sur sa carrière au sein de l'entreprise. Le jeu se poursuivit jusqu'à tard dans la nuit, puis, fatigué, les deux se retirèrent. À la sortie du Hall, un piéton, ivre, s'écroula sur Albert : il en tomba par terre, et maugréant, repoussa le pochtron dans le caniveau. Et lorsqu'il se releva, il n'aperçut nulle part la femme blonde. Le long de l'avenue, au milieu du flot de taxi, il crut reconnaître cette robe si rouge, mais l'apparition ne dura qu'un instant et l'engin disparaissait déjà.

Soupirant, il marcha jusqu'à chez lui, dans la pénombre des ruelles de la capitale...

**********

- Al, tu connais cette salope ?
- Ouais boss. C'est la nana avec qui il avait rendez-vous à l'Hamilton. Celle qui nous a braqué.
- Et également la catin qui voulait les nouveaux codes de Brightmann à notre ami, pas vrai Albert ?

Il faisait pas bon pour ledit Albert. La mâchoire en vrac, tenu par une clé de bras contre la porte de son appartement, Joe lui tapotait l'épaule, presque attristé. Dans son poing, il tenait une photo de lui, non loin du cybersoldat... et en compagnie de Martha.

- Écoute, Albert, ça fait un p'tit bout de temps qu'on se connait, alors comprend bien que y'a rien de personnel dans ce que je fais...

Al plaqua plus violemment encore Albert contre la porte.

- ...mais là, vraiment, t'as merdé. Et en haut, ils sont très susceptible. Alors, tu veux bien m'expliquer calmement ce que tu fous à ramener une pute qui cherche à "desceller du matériel volé à Brightmann" voir les projets les plus prometteurs de la firme y'a pas plus de trois heures ?

Bien inconfortablement installé contre sa porte, Albert réfléchissait à toute vitesse : soit il racontait à Joe ce que Martha voulait réellement, et au quel cas il ne donnait pas cher de sa peau, soit il lui balançait une partie de la vérité de son point de vue.

-Ma faute si elle est venue me voir juste au moment où j'allais partir pour l'Expo ? Crois-moi, tu passes tes journées enfermé avec des rats de laboratoires plates comme des planches, quand t'as "ça" qui se pointe devant chez toi en tenue de soirée, tu réfléchis pas beaucoup.

-Assez pour ne pas penser qu'on allait la remarquer ?

-J'en savais rien moi que vous alliez surveiller le coin !

-Donc t'es en train de me dire que tout ce que tu voulais ce soir c'était te faire cette pute ? Te fous pas de moi !

Al resserra l'étau, faisant glapir son prisonnier. Joe se pencha plus près lui.

-En haut ils commencent à se demander si ton utilité a encore de la valeur ; tu voudrais pas qu'il t'arrive quelque chose hein ? Ton fameux projet est achevé et la compagnie a les plans, que pourrais-tu faire d'autre ?

Albert eut la force de répondre avec rage.

-Faites-moi disparaître et Brightmann s'en mordra les doigts avec cette daube de Titan ! Avec juste des moyens et du temps je suis capable, MOI, de créer quelque chose qui fera passer ce "Titan" pour une belle merde !

Joe éclata de rire. Un rire gras, épais, qui rebondit longtemps sur les parois du couloirs.

- Ah, Albert, tu me fais marrer ! Tu sais, t'es pas le premier binoclard que je chope, et souvent pour moins que ça, pas vrai Al ?
- Ouais boss.
- Et à chaque fois, c'est "J'ferais mieux la prochaine ! Z'allez voir, j'vais vous éblouir !", pas vrai Al ?
- Ouais boss.
- Et combien qu'on en a descendu des comme ça, hein Al ?
- Pas mal boss.
- C'est aussi ce que je pensais. Seulement, aujourd'hui, Albert, t'as de la veine, parce que la haute, là, ils en sont également persuadés que tu peux faire mieux. Beaucoup mieux même. Même que si j'étais à ta place, je ferais tout pour que ce "mieux" arrive vite !

Al relâcha son emprise, et l'homme s'écroula à terre. Joe s'accroupit, et se pencha au dessus de son visage meurtri :

- Cependant, Albert, on va mettre plusieurs nouvelles petites règles en place avant que tu reprennes tes habitudes. Ta gonzesse par exemple. Si t'arrive à te farcir une pareille ogive, c'est bien pour toi : mais si t'es assez con pour te laisser encore saucer dés qu'elle pointe son décolleté, je me débrouille pour que t'en ait pas l'occasion une troisième fois, pas vrai Al ?
- Ouais boss.
- Ce qui t'aide pas non plus, c'est que j'ai encore rien sur cette fille. Et ça, c'est pas bon pour toi, ça fait flipper la haute. Je m'amuserais pas à la ramener près des affaires de Brightmann, ou de toutes autres avec lesquelles la famille Torino trempe si j'étais toi.

Joe tira un fin et long cigare qu'Al alluma immédiatement. Il tire une longue bouffée acre, et se relève, en toisant Albert :

- N'oublie pas que maintenant, c'est pas qu'un simple petit deal. T'as fait le con, et que ça soit volontaire ou non, t'es sous l'oeil des Torino maintenant. Fait nous plaisir, réalise ce Titan deux, et ta vie redeviendra ce qu'elle était : plate.

Joe épousseta sa veste, frappa l'épaule d'Al et les deux mafieux disparurent dans la cage d'escalier.

Se relevant difficilement, Albert songea a ce qui venait de se passer. Après un quart d'heure de profondes réflexions, il prit enfin sa décision.

-On me marche pas dessus comme ça.

Rentré dans son appartement, il fonça à son bureau de travail. Soulevant un double fond du cinquième tiroir, il en tira les plans de base du prototype, les mêmes plans des quelques parties du Titan qui lui étaient étrangers même avec ses connaissances. Évidemment il restait quelques données incomplètes mais ça serait déjà amplement suffisant.

-Ah ils vont voir...je leur montrerai...

Il passa plusieurs heures à dessiner et détailler des plans de montage, des calculs divers et variés ainsi que des formules chimiques.

Enfin vers quatre heure du matin, épuisé, il s'endormit un court instant sur sa chaise de bureau.

Réveillé par un bruit, il sortit de sa torpeur : 4h30 indiquait l'horloge de son ordinateur. Un courant d'air circulait dans l'appartement, l'une des vitres étant brisée.

Albert alla à la fenêtre, situé au vingtième étage et ne nota rien d'anormal accroché à l'immeuble, mis à part un long câble fin. Un bruit dans son dos le fit sursauté.

-Qui est là ?

- Tu la ferme !

Albert sentit une poigne d'acier lui écraser l'épaule. L'instant d'après, il était projeté au sol et plaqué sur le dos. Martha, à califourchon sur son torse, dardait une lame sous la pomme d'Adam. La faible lueur qui s'échappait du bureau se réverbérait sur le traits fins de la femme, rendu horrible par la haine qui les transfigurait. Son visage semblait meurtri, et de large tâches de sang s'étalaient sur sa poitrine.

Les Torino, hein ? Refuser, c'est une chose, mais balancer les Gallini aux Torino...

Elle frissonne et Drakov voyait la sueur perler dans son cou moite

- ... c'est vraiment un sale coup.

Elle affiche une mine désolée, et relève doucement la lame

- Les taupe, nous, on aime pas ça Albert. Je t'ai offert une chance de perfectionner ton travail, de devenir riche, mais tu as préféré trahir... J'ai bien peur, chéri, de devoir te briser le cœur comme tu as brisé le mien...

La lame se lève doucement, lentement... Puis s'affaisse subitement. Trois coups brefs ont sonnés à la portes, et l'interphone s'allume :

- M.Drakov ? Ici Brightmann. Les sécurités de votre appartement se sont déclenchées, est-ce que tout va bien ?

Albert n'ose rien dire, plaqué au sol, et le regard de Martha devient fou. Presque apeuré.

Calmement, tout en dirigeant ses main vers l'arme, Drakov tentait de calmer cette femme.

-Je n'ai trahis personne, ni toi ni la famille Gallini, je ne les connais même pas. Maintenant tu vas tranquillement me donner ceci et me laisser répondre, je te promets qu'il t'arrivera rien.

Le bras de Martha commença à trembler.

-Tu me prends pour une conne ?

La bave aux lèvres, son regard allait de la porte à Albert.

-Tu veux que je te prouve ma bonne foi ? Laisse moi répondre en tenant ça sous la gorge si tu veux.

L'interphone sonna encore.

-M.Drakov ?! Si vous ne répondez pas, nous allons devoir entrer.

La poitrine de Martha s'emballa, son souffle devenant plus erratique. Albert parvint enfin à saisir sa main armée. Son invitée impromptue semblait tellement déboussolée qu'elle le laissa désséré son emprise sur son torse.

Se relevant lentement, et tenant toujours la main de Martha, Albert se dirigea vers l'interphone. Inventant une histoire de "j'ai-trébuché-sur-quelque-chose-et-cassé-une-vitre" relativement crédible, il se débarrassa de la Sécurité de l'immeuble.

-D'accord monsieur M.Drakov, nous vous enverrons un technicien pour la changer dans la matinée, pensez à remplir la déclaration à la compagnie.

Martha, le regard dans la vide, appuyée contre le mur à côté de l'interphone, calma sa respiration.

-Très bien, merci. Albert coupa l'interphone.

Il tenait toujours la main de Martha avec l'arme.

-Tu vois, il ne s'est rien passé.

Martha releva la tête vers lui. Son regard le fixant intensivement.

Albert combla l'espace entre eux deux et lui donna un baiser long et passionné.

Putain Rob'. J'ai un doute là... Fit l'un des gardes, tandis qu'il quittait le couloir menant à l'appartement de Drakov.

Aussitôt, le dénommé Rob' se mit à ricaner, en vérifiant la sécurité de son pistolet mitrailleur:

T'a toujours des doutes Ridley. C'est toujours comme ça avec les nouveaux! 20 ans de boîte, et je peux t'assurer qu'il s'est jamais rien passé!

Ridley rougissait, de colère. Toujours à se faire blâmer par les anciens, pour son inexpérience. Il avait quand même finit haut la main premier à touts les examens: il n'était pas une tanche, et se décidé à le prouver.

Putain le bleu! Tu vas où là?! Tu t'crois au cinéma? Beugla Rob', quand il vit sa recrue remonté les escaliers à toute vitesse.

Il le rattrapa dans le couloir, alors que celui çi entrait le code d'accès passe-partout.

Mais tu fait quoi là! C'est Drakov qui a cassé une vitre, t'a pas entendu?!

Ca coute quoi de s'en assurer, caporal? Répondit sèchement Ridley, en validant avec le poing l'entrée du code.

Il dégaina son PM, et décrocha le cran de sécurité, pendant que la porte chuintait.

Brightmann Sécurité! Identifiez vous!! Hurla il en pénétrant dans le salon.

Salon dans lequel Drakov embrassait langoureusement une somptueuse créature jusqu'au moment où un timbré de la sécurité débarqua l'arme à la main, avant de s'aperçevoir de sa "méprise".

Oooh merde.... Furent les seuls mots qui sortirent de sa bouche, tandis qu'il baissait son arme.

Le caporal Rob' était écarquillé. Autant par la bêtise du bleu que par la possible mutation sur Sao que risquerais de lui valoir la fureur de l'un des grands ingénieur de Brightmann.

Il attrapa Ridley par le col, et le balança hors de l'appartement, une série de mots assez vulgaire sifflant entre ses dents serrés. Rougissant, il s'inclina devant Drakov:

Excusez nous pour le dérangement docteur Drakov... Mon... Collègue fait sa première ronde, et vous savez, le stress... Heu... Je vous laisse. Bonne nuit monsieur. Fit-il en fermant la porte.

Malgré l'excellente qualité de l'isolation des murs, les jurons du vieux caporal résonnèrent dans l'appartement jusqu'à que les 2 gardes eurent pénétré dans l'escalier, laissant enfin en paix les deux tourtereaux.